Le retour du Karcher

Faut-il y voir un signe ? Les premières déclarations de Gérald Darmanin, fraîchement nommé ministre de la Justice, auront insisté sur un thème plus proche de ses anciennes fonctions de ministre de l’Intérieur, en promettant de « nettoyer » les prisons comme avant lui un certain Nicolas Sarkozy voulait le faire des quartiers sensibles. Et pour ce faire, il réclame l’obtention de crédits supplémentaires, tout en reconnaissant la nécessité de faire des économies budgétaires dans la période économiquement difficile que traverse la France. Autrement dit, il se donne le beau rôle en se posant en défenseur de la Justice et l’augmentation des crédits de son ministère, en sachant très bien que ce sera impossible, surtout sans toucher aux privilèges des plus aisés.

Gérald Darmanin annonce plus de « fermeté » de l’institution judiciaire, ce qui dans son esprit implique probablement plus de peines de prison ferme, y compris pour des délits passibles de moins d’un an de détention. Voilà qui ne devrait pas améliorer la surpopulation carcérale qui bat des records avec 80 000 détenus pour 60 000 places. N’oublions pas non plus que la construction de nouveaux centres pénitentiaires et leur fonctionnement absorbent une grande partie du budget global, alors que la partie destinée à poursuivre et instruire les dossiers ne permet pas de recruter les magistrats et les personnels indispensables. Par ces temps de vaches maigres, chaque ministre va tenter d’obtenir au minimum le maintien des crédits qui étaient alloués à son champ d’activité, et si possible une augmentation. Avec une croissance anémique de l’ordre de 1 % prévue pour 2025, il y aura nécessairement des perdants, beaucoup, et quelques gagnants, ceux qui crieront le plus fort, ou qui pourront faire valoir un potentiel électoral important.

Ce qui me frappe, c’est l’apparente certitude de Gérald Darmanin et de quelques autres qu’ils ont devant eux sinon l’éternité, du moins ce qui s’en rapproche le plus en politique, le reste du mandat présidentiel qui court jusqu’en 2027. Le Premier ministre lui-même s’est dit persuadé que son gouvernement ne serait pas censuré et toutes les décisions qu’il compte prendre se basent sur cet optimisme délirant alors même que le char de l’état navigue visiblement sur un volcan. Faut-il lui rappeler que son prédécesseur, Michel Barnier, avait basé sa stratégie contre toute logique sur le même pari stupide et qu’il en a payé les conséquences ? François Bayrou me semble avoir l’intention de jouer son poste à une variante de la roulette russe, où il y aurait 5 balles dans le barillet et une seule chambre vide. Mais, au bout du bout, c’est le citoyen qui risque le plus d’y perdre.