Fidel ou Salvador ?

Le président Nicolas Maduro se proclame vainqueur de l’élection présidentielle qui lui ouvrirait la voie à un troisième mandat, alors que l’opposition revendique également le succès de son candidat, M. Gonzalez Urrutia. Chaque camp accuse l’autre de fraude électorale, et le refus de publier les résultats détaillés par bureau de vote empêche de procéder à des vérifications, permettant une proclamation des résultats incontestables. Évidemment, l’exercice du pouvoir par le président actuel ne plaide pas en sa faveur, ne serait-ce que par l’invalidation de la candidature de Maria Corina Machado, cheffe de l’opposition, pour mettre toutes les chances de son côté.

Le pouvoir actuel de Nicolas Maduro semble prêt à tout pour se maintenir. Il a engagé une procédure contre Mme Machado et désigne à mots couverts les États-Unis comme commanditaire d’un coup d’État impérialiste pour renverser un régime héritier de la révolution bolivarienne qui avait porté Hugo Chavez au pouvoir. Une accusation relativement vraisemblable après la longue tradition des républiques bananières installées par la CIA en Amérique du Sud, et du coup d’État d’Eduardo Pinochet contre Salvador Allende au Chili en 1981. La question peut se résumer ainsi, vue depuis l’hexagone : Maduro perpétue-t-il une dictature à la manière de Fidel Castro, en utilisant des moyens illégaux si nécessaire, ou bien est-il la victime d’un complot visant à interrompre un processus démocratique ? Emmanuel Macron ne tranche pas vraiment en réclamant une « élection transparente », accompagné en cela par le président brésilien Lula et plusieurs chefs d’états européens.

L’opinion publique en France semble elle aussi partagée. Beaucoup d’éditorialistes en profitent pour charger la barque de Jean-Luc Mélenchon, soutien « historique » d’Hugo Chavez et de Fidel Castro, qui se retrouve dans la situation des « compagnons de route » du Parti communiste français quand il tardait à dénoncer les errements du stalinisme. À cette époque, beaucoup d’intellectuels préféraient « avoir tort avec Jean-Paul Sartre, plutôt que raison avec Raymond Aron ». Il serait cependant difficile de soutenir le régime de Nicolas Maduro qui a organisé une répression de toute opposition au nom de principes généreux d’une société plus égalitaire. À l’origine de la mise en place du Chavisme, la rente pétrolière était supposée permettre une élévation générale du niveau de vie des Vénézuéliens, tout en mettant en œuvre un développement du pays profitable à tous, sans se couper des intérêts des compagnies multinationales. La baisse des cours du pétrole et une mauvaise gestion probablement accompagnée de corruption à grande échelle ont mis à mal l’économie et la santé financière du pays. La reprise en main par une opposition bourgeoise modérée, satisferait les Occidentaux, mais n’apporterait pas forcément une amélioration automatique des conditions de vie de la population.