Un échange historique
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 2 août 2024 11:06
- Écrit par Claude Séné
On aurait pu se croire revenu à la période de la guerre froide entre deux blocs qui arrêtaient provisoirement de s’affronter directement pour procéder à la libération de ressortissants des pays adverses, en échange du retour au pays de leurs compatriotes détenus par leurs adversaires. Ces échanges avaient lieu le plus souvent sur un pont situé entre Berlin et Potsdam, le Glienicker Brüke, surnommé « le pont aux espions », qui donnera son titre au film que Steven Spielberg lui a consacré en 2015. Pas moins de 26 personnes dont deux mineurs ont ainsi pu regagner leur pays d’origine, après des années pour certains de négociations très serrées.
Ce succès aura été une des dernières décisions très importantes de Joe Biden, peu de temps avant l’annonce de son retrait de la course à la Maison-Blanche. C’est sa suppléante, Kamala Harris, qui devrait pouvoir en tirer le bénéfice, raison pour laquelle Donald Trump a vivement critiqué cet accord. Il prétend, sans l’ombre d’une preuve, qu’il aurait obtenu plus et mieux de Poutine, qui lui aurait fait des concessions, à lui, et à lui seul. Ce qui est invérifiable, naturellement, mais pose une véritable question : qui sort vainqueur de cet échange ? Théoriquement, l’accord doit convenir aux deux parties, et le sort de Vadim Krassikov, membre du FSB, le service secret russe, que Poutine voulait récupérer à tout prix alors qu’il purge une peine de prison à perpétuité pour le meurtre d’un commandant tchétchène à Berlin, a dû être âprement disputé. Il aura fallu tout le poids du président américain pour persuader le Chancelier allemand d’accepter la transaction. On peut soupçonner Moscou de fabriquer des espions occidentaux à la demande, afin de pouvoir s’en servir comme monnaie d’échange. De la même façon, beaucoup d’opposants politiques au régime de Poutine croupissent dans les geôles du pouvoir, pour de simples délits d’opinion.
Il est probable que la mort d’Alexeï Navalny, non programmée apparemment, est venue perturber le cycle de négociations commencées pendant la présidence de Donald Trump, l’opposant russe étant un des gros poissons dont la libération aurait pu frapper l’opinion américaine. Parmi les prisonniers américains relâchés, un seul me semble avoir le profil d’un authentique espion susceptible de faire partie des services actifs, et c’est l’ancien « marine » Paul Whelan. À qui il faut peut-être ajouter un ressortissant allemand accusé par la Biélorussie d’activités favorables à l’Ukraine et ayant travaillé pour l’ambassade américaine comme agent de sécurité. Par comparaison, les accusations portées contre les 8 personnes rendues à leur probable patron, Vladimir Poutine, qui les a accueillies chaleureusement, semblent très solides. Chacun se fera une opinion. Personnellement, je pense aux familles concernées qui pourront ainsi retrouver leurs proches.