Œil pour œil

Ismaïl Haniyeh, le chef du Hamas, est mort dans une attaque aérienne à Téhéran où il s’était rendu pour assister à la célébration de l’investiture du nouveau président iranien, Masoud Pezeshkian. La frappe n’a pas été revendiquée par l’armée ou les dirigeants israéliens, mais elle semble bien faire partie d’une série de ripostes à une roquette qui a fait une douzaine de victimes civiles, des jeunes jouant au ballon, dans le Golan annexé par Israël, et qui n’a pas été reconnue par le Hezbollah libanais. Le journaliste franco-israélien, Julien Bahloul, évoquait ce matin « un sentiment de justice » dans la population de Tel-Aviv.

Cependant, nous avons bien l’impression d’un nouvel épisode dans une vendetta interminable. Cette mort ne restera pas sans réponse a indiqué le Hamas immédiatement, et le risque d’une escalade est renforcé, tandis que l’espoir d’un cessez-le-feu et d’une négociation visant à récupérer les derniers otages s’éloigne encore davantage. Il ne peut pas y avoir de véritable justice sans la reconnaissance réciproque d’une instance, quelle qu’elle soit, qui puisse arbitrer le conflit entre les adversaires. À défaut, et pour l’instant, c’est la loi du Talion, reconnue par les principales religions monothéistes, qui s’applique, faute de mieux. Et même ce principe apparemment simple, de payer un œil pour un œil perdu, ou une dent pour une dent, est bien difficile à appliquer, l’appréciation du préjudice étant essentiellement subjective. Le risque d’une propagation du conflit dans la région, même si personne n’y a véritablement intérêt, s’accroît à chaque riposte. Cela suppose un accord sur la proportionnalité des attaques et des représailles accepté par les belligérants. Or, il s’agit d’une guerre asymétrique où les deux camps n’ont pas la même estimation de la valeur de leurs ressortissants. En 2011, Israël a accepté de « payer » la restitution d’un seul soldat, Gilad Shalit, par la libération de 1027 prisonniers palestiniens.

La même comptabilité macabre s’applique aussi aux épisodes de guerre armée. Si les attentats du Hamas le 7 octobre 2023 ont causé la mort de plus de 1100 israéliens, c’est par dizaines de milliers de victimes civiles que l’on peut évaluer les pertes côté palestinien depuis l’offensive destinée à « éradiquer » le Hamas de la bande de Gaza. Selon la nationalité, le prix de la vie d’un être humain fluctue énormément. L’ONU, l’instance « naturelle » qui devrait imposer une solution négociée aux parties en présence, est dans l’incapacité de jouer son rôle, en partie du fait d’une paralysie de son exécutif, le Conseil de sécurité, où les superpuissances bloquent les décisions grâce à un droit de véto hérité de la 2e guerre mondiale. Les résolutions adoptées aux forceps restent lettre morte et ne sont pas appliquées. Et la situation peut encore empirer en cas de victoire de Donald Trump en novembre prochain.