L’électeur stratège
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 8 juillet 2024 10:44
- Écrit par Claude Séné
Ne boudons pas notre plaisir. Pour ma part, je dois reconnaître ma surprise, pour ne pas dire ma stupéfaction, à l’annonce des résultats du deuxième tour des élections législatives, dont j’espérais seulement qu’ils empêchent l’accession immédiate au pouvoir du Rassemblement national, en limitant sa progression à une majorité relative. Comme beaucoup de Français, dont les deux tiers ne partagent pas les « idées » néfastes de l’extrême droite, je suis allé voter à contrecœur pour une candidate de l’ancienne majorité, moins pire à mes yeux que le représentant local du RN. Ce sacrifice n’a pas été vain, au vu des résultats nationaux.
C’est donc d’abord un « ouf ! » de soulagement que j’ai ressenti, puis un espoir en apprenant que la gauche était de retour, et même qu’elle devançait les deux autres blocs les plus nombreux de la nouvelle Assemblée. Évidemment, le « front républicain » de barrage contre le RN y est pour beaucoup, et cette stratégie a aussi profité au camp présidentiel, dont la défaite, bien que cuisante, aurait sans cela tourné à la débâcle. Et c’est pour moi le moment de tordre le cou à une croyance qui surgit à chaque élection selon laquelle le corps électoral se comporterait comme un organisme humain, doté de raison et poursuivant un dessein auquel on cherche à donner un sens. Selon cette théorie, les électeurs auraient donc globalement désavoué le président, qui a eu la brillante idée de consulter le peuple et qui ne doit pas être déçu de la réponse, très claire en effet, et le Premier ministre, qui a échoué dans la mission impossible qui lui avait été confiée de persuader les Français de voter majoritairement pour un régime à bout de souffle.
Ce même corps électoral aurait également refusé de faire confiance au président du RN, Jordan Bardella, pour « définir et conduire la politique de la nation ». La suite logique serait donc de se tourner vers le nouveau Front populaire pour désigner le futur Premier ministre et mettre en œuvre son programme. Ce serait mal connaître Emmanuel Macron, dont on sait déjà qu’il devrait refuser la démission de Gabriel Attal, pour jeter par avance le discrédit sur un nouveau Premier ministre, qu’il faudra pourtant nommer un jour ou l’autre. Par la voix de François Bayrou, il a ouvert la piste d’une contestation des résultats, à la manière d’un Trump faisant recompter les bulletins de vote. Bien que le verdict des urnes soit sans appel, il ne semble pas vouloir reconnaître sa défaite, et il évoque une nébuleuse, une improbable coalition des contraires qui lui permettrait de revenir par la fenêtre après avoir été mis à la porte. Aux Français de ne pas se laisser faire. Ils en ont désormais les moyens.