Le caillou
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 15 mai 2024 11:12
- Écrit par Claude Séné
C’est le surnom qui est donné à la Nouvelle-Calédonie par les descendants des « Caldoches », ces colons qui se sont installés dans ces territoires à partir de 1853, sous Napoléon III, à cause de l’existence de gisements de nickel très importants qui ont longtemps assuré la prospérité de l’archipel. Une richesse bien mal partagée avec les occupants historiques, les Kanaks, dont beaucoup souhaitent l’indépendance et la réclament toujours, malgré les votes négatifs successifs aux trois référendums d’autodétermination. Au cœur du litige entre les indépendantistes et les « loyalistes » se trouve l’épineuse question du corps électoral, qui est pour le moment gelé à la situation de 1998.
Pour mettre fin aux conflits violents opposant les parties en présence, en 1988 un premier accord, dit de Matignon, avait défini un nouveau statut pour la Nouvelle-Calédonie, complété par les accords de Nouméa dix ans plus tard, prévoyant que seuls les citoyens installés avant 1998 auraient droit de vote. C’est ce verrou que le président Macron a cru bon de faire sauter en présentant une loi constitutionnelle rejetée par avance par les indépendantistes et qui débouche à présent sur une situation insurrectionnelle provoquant des émeutes, des manifestations violentes, des centaines de blessés, et même deux morts. Le pompier pyromane de l’Élysée va devoir éteindre l’incendie qu’il a ainsi déclenché. Il propose de réunir les parties opposées pour tenter de trouver un nouvel accord. C’est un peu tard. Il n’aurait pas fallu commencer par soumettre la loi au vote du parlement, ce qui est désormais chose faite. Emmanuel Macron, après ce passage en force, n’aura d’autre choix, s’il revient à la raison, que de ne pas ratifier ce texte, et en élaborer un autre avec l’accord des populations concernées.
En attendant, il va falloir gérer ce guêpier, en essayant de rétablir la paix civile. La première réponse aura été policière, comme il fallait s’y attendre, mais il est probable qu’elle sera insuffisante. Ce serait un signal désastreux, mais peut-être nécessaire que de faire appel à l’armée pour rétablir un ordre républicain. En l’état, deux légitimités s’affrontent, comme dans la plupart des conflits postcoloniaux. La France métropolitaine a laissé pourrir la situation en espérant que les choses se tasseraient d’elles-mêmes. C’est le contraire qui s’est produit. La Nouvelle-Calédonie, comme d’autres territoires ultra-marins, est en passe de redevenir le caillou dans la chaussure de l’ancienne puissance coloniale. L’autoritarisme de l’état centralisé et l’orgueil démesuré de son chef ont fait le reste. La situation était difficile. Elle pourrait devenir inextricable. Les descendants des peuples mélanésiens qui sont à l’origine les premiers occupants de ces territoires se sentent spoliés de leurs droits. La politique du fait accompli risque de les pousser encore plus à la violence dans une spirale infernale bien connue.