Y a pas mort d’homme !

C’est cette réplique culte prononcée par l’excellent Jean-Pierre Daroussin qui m’était restée comme souvenir le plus clair du film « mes meilleurs copains » de Jean-Marie Poiré, sorti en 1989. C’est à peu près tout ce qui en surnage d’ailleurs, quand il est repassé assez récemment à la télévision. J’y ai pensé en découvrant la polémique du jour à propos de quelques mètres carrés abimés sur le green du golf de Beaumont–Saint-Cyr au passage des manifestants contre les « bassines » réunis en un « convoi de l’eau » traversant la Vienne pour se diriger vers la capitale.

Le préfet de la Vienne a immédiatement réagi à ce qui lui semble apparemment un acte de terrorisme et de barbarie, en dénonçant « une dégradation intolérable ». Curieusement, cependant, il n’a été procédé à aucune interpellation « pour des raisons de sécurité » et les gendarmes présents n’ont pas cherché à empêcher la commission du délit, comme si son caractère flagrant était une aubaine pour discréditer le mouvement revendicatif. Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, lui a instantanément emboité le pas en déclarant fermer par avance tout dialogue avec « ceux qui entendent imposer leur loi par la violence ». On se croirait revenu au temps des « attentats pâtissiers » quand Le Gloupier entartait généreusement les personnalités qu’il avait dans le nez. Et la polémique ne s’est pas arrêtée là. Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, ayant eu le malheur de reprocher au gouvernement de ne pas s’attaquer aux vrais problèmes, une deuxième ministre, celle de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a cru bon d’en rajouter une couche en l’accusant de mépriser les préfets, ces serviteurs de l’état. Pour faire bon poids, un ancien député Renaissance a de son côté affirmé que les manifestants, qui saccagent le travail d’autrui, n’auraient eux-mêmes jamais travaillé. Il vise ainsi les membres de la confédération paysanne qui soutiennent le mouvement.

C’est ce que l’on pourrait appeler une tempête dans un verre d’eau. Les dégâts causés par une petite minorité agissante que les organisateurs ne cautionnent pas seront vite réparés et leur impact financier est négligeable dans des budgets de fonctionnement de l’ampleur des golfs en France comme ailleurs. Leur existence même peut être discutée, par exemple lorsqu’on les installe en plein désert au profit exclusif d’une poignée d’oligarques. La gestion de l’eau, qui a toujours été une source de conflit entre les individus, parfois aussi les groupes humains, voire les peuples et les nations, est devenue un enjeu majeur avec le dérèglement climatique et le réchauffement de la planète. Une chose est certaine, cet épisode conflictuel illustre bien la fracture croissante entre ce pouvoir et son opposition, qui ne sont toujours pas les meilleurs copains, et qui ne passeront sûrement pas leurs prochaines vacances ensemble.