Coûte en qu’il quoi
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 20 juin 2023 10:34
- Écrit par Claude Séné
Ce n’est pas du verlan, mais c’est la formule qui m’a paru illustrer le mieux la volonté affichée du gouvernement de décréter la fin du « quoi qu’il en coûte », dont il avait fait, il n’y a pas si longtemps l’alpha et l’oméga de sa politique. À vrai dire, on s’en était déjà un peu aperçu. Les subventions exceptionnelles pour alléger la facture du carburant par exemple ont été progressivement réduites puis abolies, l’état essayant de convaincre les pétroliers de prendre le relais. Mais les mesures annoncées par Bruno Le Maire ont pour but d’aller bien au-delà d’une décélération des dépenses publiques, en donnant un véritable coup de frein.
Sur le principe, l’idée de faire des économies en arrêtant de vivre au-dessus de nos moyens peut être entendue. La remontée des taux d’intérêts jusqu’ici anormalement bas, et même négatifs, fait augmenter mécaniquement la charge de la dette de l’état français. Comme d’habitude, ce qui est en cause, c’est la répartition des efforts demandés. Faire des économies peut être vertueux. Ainsi, la fin des avantages fiscaux sur les énergies fossiles, au-delà de rapporter un peu d’argent aux caisses de l’état, est un moyen parmi d’autres de favoriser le développement du renouvelable, devenant plus compétitif. Ce que je trouve insupportable c’est le discours du ministre des Finances qui essaie de culpabiliser les Français sur leurs dépenses de santé pour mieux les rationner. Il a mis dans son collimateur les remboursements de frais de santé « de confort ou de facilité », suggérant ainsi que les Français consulteraient leur médecin sans raison valable, et seraient donc des malades imaginaires. Encore faudrait-il qu’ils en trouvent, des médecins, dans les nombreux déserts médicaux, au lieu d’encombrer les urgences, faute de solution plus simple, plus proche et moins coûteuse.
Dans la même logique, les salariés seraient des tire-au-flanc patentés, qui se font délivrer des certificats de complaisance par des médecins trop laxistes, et Bruno Le Maire entend bien traquer ces arrêts-maladie trop généreusement accordés à son goût. L’un dans l’autre, le gouvernement s’est fixé comme objectif au moins 10 milliards d’économies, qu’il va prélever sur les Français les plus fragiles, quel que soit le bout par lequel on prend la situation, puisqu’il refuse de taxer les plus riches. Il se défend toutefois de pratiquer une forme d’austérité, un terme honni des politiques sous toutes ses formes. On se souvient du « tournant de la rigueur » pris en 1983 par Pierre Mauroy après deux années de dépenses sociales importantes. Bruno Le Maire préfère parler de retour à la normale, ce qui ne trompera personne. Cette « inflexion » de la politique donne à la réforme des retraites son sens véritable, une taxation indirecte des salariés destinée à rapporter quelques milliards en « recettes de poche », qui ne suffiront même pas à rétablir l’équilibre, faute de faire payer ceux qui en ont vraiment les moyens.