Bon appétit, messieurs
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 17 juin 2023 10:19
- Écrit par Claude Séné
Et particulièrement au président de la République française qui recevait hier le sympathique Mohamed Ben Salmane, plus connu sous ses initiales qui rappellent une marque de chaussures de sport bien connue, MBS, prince héritier de la monarchie à la tête de l’Arabie Saoudite. Et de l’appétit, il lui en a sûrement fallu au cours de ce déjeuner « de travail » avec un dirigeant connu pour des faits d’armes tels que l’assassinat d’un journaliste d’opposition dans une ambassade. Alors, vous et moi nous mangeons pour vivre, comme le disait si bien Molière, mais dans les hautes sphères, on mange essentiellement pour travailler.
Je ne pense pas pour autant que les mets servis soient plus roboratifs, ou plus rustiques. Par ailleurs, la courtoisie voulant que l’on ne parle pas la bouche pleine, il me parait difficile d’aborder des sujets aussi futiles que les droits de l’homme pendant ces réunions masticatoires. Recevoir celui qui était considéré encore récemment comme un paria par les occidentaux pour la 2e fois en un an, montre qu’Emmanuel Macron n’est pas trop regardant sur ses relations et qu’il est prêt à avaler toutes les couleuvres au nom de ce qu’il est convenu d’appeler la Realpolitik. Officiellement, la France fera les gros yeux à propos du traitement des opposants au régime et notamment les condamnations à mort de suspects mineurs au moment des faits, mais, en tête-à-tête, ni l’un ni l’autre ne souhaitera divulguer la teneur des échanges. Pour être objectif, force est de constater que si l’on ne parlait qu’aux régimes parfaitement démocratiques, on pourrait se taire la plupart du temps. Avec certains pays, le mieux que l’on puisse attendre c’est un échange de bons procédés.
Que vient chercher MBS à Paris ? C’est assez simple, la respectabilité. La source de la richesse de son pays, le pétrole, est appelée à se tarir dans un avenir relativement proche, et il lui faut moderniser son pays et le tourner vers d’autres activités tout aussi lucratives. Il compte sur Macron pour l’aider à décrocher l’organisation en 2030 de l’exposition universelle. En contrepartie, le président français espère convaincre MBS de se ranger aux côtés des Ukrainiens et des Occidentaux dans leur conflit avec la Russie, et au passage vendre de la technologie et obtenir des investissements en France. Je ne sais pas qui a mangé l’autre ni qui a fait preuve du meilleur appétit, mais MBS avait déjà refusé d’accéder à la demande du président américain Joe Biden, d’augmenter la production de pétrole pour faire baisser les prix, affaiblissant ainsi la Russie, qui finance sa guerre avec le gaz et le pétrole qu’elle exporte. Visiblement, MBS n’est pas prêt à lâcher la proie pour l’ombre, et Mr Macron n’est sans doute pas aussi fin négociateur qu’il aime à le penser.