Repasse ton bac d’abord
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 15 juin 2023 13:35
- Écrit par Claude Séné
C’était donc hier l’épreuve tant redoutée ou très attendue, de la philosophie au Baccalauréat. Beaucoup d’eau a coulé sous nos ponts depuis que je me suis frotté à cette discipline et les choses ont, naturellement, beaucoup changé. Aurais-je été capable de disserter sur les sujets proposés cette année ? Rien n’est moins sûr. Une chose me paraît certaine, c’est que j’aurais évité le commentaire composé, qui rassure certains candidats qui pensent s’appuyer plus facilement sur un texte, alors que le risque de paraphraser les idées de l’auteur, qui écrit probablement beaucoup mieux que je ne saurais le faire, est un obstacle important.
Donc, voyons les deux sujets de dissertation proposés cette année en filière générale, aussi délicats à mon avis l’un que l’autre. À ma droite : « Le bonheur est-il affaire de raison ? », ou bien, à ma gauche, « Vouloir la paix, est-ce vouloir la justice ? » Spontanément, le cœur penche pour le thème numéro 2, qui a l’air de faire une allusion directe à l’actualité de la guerre en Ukraine, alors que la notion de bonheur quand on a 17 ans ou un peu plus, et qu’on n’est forcément pas sérieux, peut apparaître très abstraite. Quand on sait qu’à tout âge le bonheur ne se définit bien souvent que par le grand bruit qu’il fait en partant, on mesure la difficulté de l’exercice. Il faut bien reconnaître que l’étude de la philosophie, et surtout sa pratique à un âge où l’on n’a pas encore beaucoup vécu, peut être considérée comme une forme de gageure. Cependant, les cafés philosophiques et les expériences de philo à la maternelle démontrent que c’est possible.
Ma tendance naturelle à ne pas travailler suffisamment m’a octroyé le privilège de passer deux fois cette épreuve et toutes les autres du bac de mon époque, qui était moins souvent délivré qu’actuellement, mais pas nécessairement plus probant sur le niveau atteint, qui n’arrêterait pas de dégringoler paraît-il. Grâce à mon échec premier, j’ai pu comparer l’enseignement de cette discipline sous deux formes radicalement différentes. Un des profs nous a consciencieusement expliqué les principales théories philosophiques, depuis Aristote, jusqu’à Sigmund Freud notamment, tandis que l’autre nous a incités à tenter de réfléchir par nous-mêmes, ce qui n’était pas une sinécure. Avec le recul, je crois qu’ils avaient raison tous les deux, et qu’une année entière, et même deux, n’était pas superflue pour cet enseignement. Après les différentes réformes que chaque ministre s’est cru obligé de passer à la postérité dans l’espoir de ne pas être immédiatement oublié, les candidats auront sans doute moins de pression pour cette épreuve, connaissant déjà leurs autres performances. Certains jugent cette discipline inutile et manquant de perspectives pragmatiques ; je pense le contraire. Si la philosophie permet l’exercice du doute sur les certitudes toutes faites, et la capacité de penser par soi-même, elle sera utile pour la vie entière.