Pauvres de nous

Oyez, oyez braves gens, la triste histoire que je vais de ce pas vous narrer par le menu. À l’origine, j’aurais pu en avoir connaissance par un célèbre réseau auquel je décline d’adhérer malgré les sollicitations régulières dont je fais l’objet, et dont je me refuse à faire la publicité. Qu’il vous suffise donc de savoir qu’il commence par Face et qu’il finit par book. Bon, je ne vous ai rien dit, d’accord ? C’est donc par le truchement de FranceTVinfo, respectable magazine d’information, que j’ai eu connaissance de la regrettable histoire de cette famille contrainte à l’exil.

Je me fais un devoir de vous en informer à mon tour, quitte à faire pleurer dans les chaumières, afin de contribuer à l’édification des populations et servir à ce que de droit. Voici les faits dans leur brutalité. Éloignez les enfants, on y va. Il s’agit d’un couple d’entrepreneurs qui annonce devoir quitter la France pour le Canada en raison des tracasseries administratives dont il fait l’objet. Je cite la mère courage qui annonce leur décision en ces termes : « France, nous te quittons pour un pays où la réussite est bien vue, où la création est encouragée ». Poignant, non ? On comprend que 100 000 internautes aient tenu toutes affaires cessantes à partager cette information, et que 150 000 adeptes du réseau aient déclaré aimer cette publication.

Dans un souci d’objectivité, je me dois de vous indiquer les détails de l’affaire, afin que chacun puisse bien apprécier les avanies et les vexations gratuites qui ont condamné inéluctablement cette famille exemplaire à devoir quitter l’hexagone. Déjà en 2009, le couple ouvre une « cabane de luxe » dans le Vaucluse, un concept apparemment porteur, et qui marche très bien. Au point que des jaloux et des envieux font observer que les propriétaires ont tout simplement omis de demander un permis de construire. Et pour cette broutille, l’activité doit être interrompue. Quand on vous dit que l’on ne fait rien pour encourager les initiatives sous prétexte que les lois sont censées s’appliquer à tous. Comme si les entrepreneurs en question avaient le temps de se renseigner sur les règles en vigueur. C’est donc en toute bonne foi qu’ils ouvrent une autre maison d’hôtes, parfaitement illégale puisqu’ils n’habitent pas sur place. Cette fois, c’en est trop, ils vont devoir s’exiler. Les Canadiens risquent d’être un peu surpris par les méthodes Far West des frenchies. Quant à la France, j’espère qu’elle se remettra de leur départ.