Prisons : un jour sans fin ?

Je n’ai jamais été détenu moi-même, mais j’ai eu l’occasion de pénétrer dans l’univers pénitentiaire à titre professionnel en qualité d’enseignant dans les années 80, et je constate avec un certain effarement que rien ne semble avoir vraiment changé depuis les 40 années qui me séparent de cette expérience. La dernière polémique en date sur l’organisation d’une sorte de jeu de téléréalité calqué sur Koh-Lanta à la prison de Fresnes illustre parfaitement les problèmes de société projetés sur le système carcéral. Qu’y a-t-il de si choquant dans cette affaire que le ministre de la Justice en soit réduit à ouvrir si grand son parapluie ?

Le fond de l’indignation du Rassemblement national, derrière lequel certains élus républicains se sont empressés de courir, et jusqu’à Éric Dupont-Moretti lui-même, c’est qu’il ne faut à aucun prix laisser penser que la prison ne serait pas essentiellement punitive. À mon époque, le débat portait sur l’usage de la télévision et le pseudo-confort des cellules, supérieur selon certains aux logements HLM dont la population générale devait se contenter. Il s’agit là d’un contresens sur les fonctions attribuées aux établissements pénitentiaires. La sanction, prononcée par un juge, assisté ou non d’un jury populaire, consiste uniquement dans la privation de liberté, et ne doit absolument pas être accompagnée de brimades et de privations contraires aux droits de l’homme en général. Elle peut également être l’objet d’une mise à l’écart temporaire du reste de la société, mais doit permettre au condamné de faire un aggiornamento sur sa conduite et lui donner les moyens d’une réinsertion au moment de sa libération.

La réponse de la droite sur la montée de la violence n’a pas changé. Elle consiste à emprisonner toujours plus de délinquants, alors que les études montrent que cette stratégie ne permet pas de faire baisser les atteintes aux biens et aux personnes. Pire, plus il a de places de prisons, plus le nombre de détenus augmente, et la surpopulation carcérale également, alors que les peines de substitution sont à la fois moins coûteuses et plus efficaces. Les surveillants sont les premiers à jalouser les « privilèges » accordés aux détenus, ce qui explique qu’un syndicat pénitentiaire ait demandé la tête du directeur de la prison de Fresnes et que le ministre semble prêt à la lui offrir sur un plateau. Reste que la France s’est fait épingler pour les conditions de vie dans les prisons par les instances européennes et que la période probatoire qui s’en est suivie ne va démontrer aucun progrès significatif en la matière. Il y sera également dénoncé l’accès insuffisant aux soins de toutes natures, et en particulier le manque criant de personnels tels que les psychiatres, alors que nos établissements sont peuplés d’un nombre non négligeable de condamnés qui auraient surtout besoin de soins, et n’ont rien à espérer d’une détention dans ces conditions.