Une enquête éclair

À défaut d’avoir pu mener à bien la blitzkrieg (la guerre éclair) promise à Vladimir Poutine pour la conquête de l’Ukraine en 72 heures chrono, avec la prise de la capitale, Kiev, et la destitution et le remplacement du président Zelensky, l’administration russe a fait preuve d’une efficacité hors du commun en élucidant en un temps record la mort de Dariya Douguina, la fille d’un idéologue russe, farouche partisan de la guerre et des méthodes musclées vis-à-vis de l’Ukraine. Le service de renseignement russe, le FSB, a même identifié une suspecte, qui a malheureusement franchi la frontière estonienne et n’a donc pas pu être arrêtée. Il va sans dire que pour le FSB, c’est l’Ukraine qui est responsable de cet attentat.

La fille d’Alexandre Douguine a été tuée dans l’explosion d’un engin placé sous la voiture de son père et l’on suppose que c’est lui qui était visé, bien que le père et la fille assistaient ensemble à un rassemblement d’ultranationalistes à Moscou. C’est au dernier moment que celui qui prétend influencer Poutine pour promouvoir « une grande Russie » a décidé de prendre une autre voiture, laissant sa fille rentrer seule. Si l’on en croit l’agence de presse russe Interfax, relayant des informations du FSB, la principale suspecte, une Ukrainienne de 43 ans, aurait loué en juillet un appartement près du domicile de Dariya Douguina, pour préparer l’attentat. Le gouvernement ukrainien dément naturellement tout lien avec cette Natalia Vovk, et l’hypothèse d’une cellule terroriste ukrainienne, implantée à Moscou, et éventuellement liée au fameux régiment Azov, comme on le laisse entendre en Russie, parait totalement farfelue et montée de toutes pièces. Pour que le régime ukrainien, s’il en était capable, prenne le risque de mettre en œuvre une telle opération, il faudrait que la cible soit beaucoup plus importante qu’un simple intellectuel qui surestime apparemment son pouvoir d’influence.

On se souvient des attentats qui ont servi de prétexte à la guerre en Tchétchénie. Depuis que Vladimir Poutine a pris les commandes en Russie, d’autres attentats ou assassinats se sont produits, dans lesquels on peut voir la main du pouvoir, à défaut de pouvoir le prouver. La mort d’Anna Politkovskaïa en 2006, le jour anniversaire de la naissance de Poutine, en est un exemple emblématique. Il aura fallu près de 2 ans d’enquête pour aboutir à la mise en examen de quatre suspects, parmi lesquels un officier du FSB, mais pas le tireur présumé, toujours en fuite à ce jour. Plus de 15 ans après les faits, les commanditaires de cet assassinat restent impunis, voire inconnus, bien que des soupçons se portent sur le clan du président actuel de Tchétchénie, Ramzan Khadirov, dont on sait qu’il n’a rien à refuser à Vladimir Poutine, et inversement.