Kissinger, un vieux sage ?
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 15 août 2022 10:55
- Écrit par Claude Séné
Le proverbe dit que c’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes. Est-ce une raison pour écouter et approuver l’ancien Secrétaire d’État américain, l’équivalent du ministre des Affaires étrangères, quand il s’exprime sur la situation dans le monde et la position que devrait prendre, selon lui, le président américain vis-à-vis de la Russie et de la Chine ? À 99 ans, Henry Kissinger, qui est retiré des affaires depuis longtemps, continue à vouloir influencer l’opinion, et il multiplie les déclarations publiques notamment sur le conflit en Ukraine, et les relations avec la Chine.
Le prestige que conserve l’ancien conseiller de la Maison-Blanche sous la présidence de Richard Nixon puis de Gérald Ford est grandement lié à sa désignation comme prix Nobel de la Paix en 1973, une nomination considérée comme une farce funeste par beaucoup d’observateurs, comme Françoise Giroud qui parlera du prix Nobel de l’humour noir. Le prix a été attribué conjointement à l’américain Kissinger et au vietnamien Le Duc To, qui le refusera. Deux membres de l’académie Nobel préfèreront démissionner, considérant que Kissinger est un des artisans de l’escalade militaire au Vietnam et qu’il a retardé la paix. Il est aussi considéré comme responsable de la politique de républiques bananières en Amérique du Sud et probablement l’instigateur du coup d’État militaire dans lequel le président légitime chilien, Salvador Allende, a perdu la vie et le dictateur Augusto Pinochet s’est installé à la tête d’une junte militaire pour diriger le pays en fonction des intérêts des États-Unis. Henry Kissinger, comme dirigeant ou comme conseiller, a toujours été un adepte de la « realpolitik », une doctrine faisant passer les intérêts américains avant toute chose.
D’une certaine façon, il n’a pas changé. Avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, il préconisait d’acter l’annexion de la Crimée et l’indépendance des républiques séparatistes du Donbass, faisant la paix sur le dos des Ukrainiens et du pouvoir de Kiev, légitimement élu, au grand dam du président Zelenski. Dans sa dernière interview donnée au Wall Street Journal, il est revenu sur cette position, en estimant que les Occidentaux devraient, tôt ou tard, accorder à l’Ukraine le statut de nation proche de l’OTAN, comme la Finlande actuellement, en attente d’adhésion. La même ambigüité transparait dans sa vision des relations avec la Chine populaire sur la question de Taïwan. Il se montre toutefois alarmiste en déclarant que les États-Unis sont au bord de la guerre avec la Russie et la Chine, et qu’ils n’ont aucune solution prévue, à part essayer de les opposer l’une à l’autre, une tentative vouée à l’échec actuellement. On peut lui donner crédit sur un point. Ni l’actuel président américain, Joe Biden, ni son prédécesseur qui aspire à revenir aux affaires, Donald Trump, ne semble avoir la volonté et les épaules de s’engager dans un bras de fer avec les rivaux chinois et russes.