Du cactus au caillou
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 27 juin 2022 11:35
- Écrit par Claude Séné
Les plus anciens s’en souviennent peut-être encore. Alors qu’il était ministre de l’Économie et des Finances, Valery Giscard d’Estaing ne cachait pas ses ambitions d’accéder au pouvoir suprême à la place occupée par le général de Gaulle. Il affichait sa différence au point de lui valoir le surnom de « cactus » de la part du Premier ministre de l’époque, Georges Pompidou. Il en reste aujourd’hui la chanson de Jacques Dutronc, les cactus, qui a bénéficié d’un coup de pub’ inespéré à l’époque. On dirait que François Bayrou veut jouer le rôle du petit caillou dans la chaussure, en escomptant un destin national similaire.
De même que VGE disposait d’un groupe parlementaire conséquent avec les Républicains Indépendants dans une chambre où le gouvernement ne possédait pas la majorité sans lui, François Bayrou se retrouve à la tête de 48 députés du Modem, dont Macron a grand besoin pour faire passer ses textes, même si ça ne suffit pas. C’est à cette lumière qu’il faut, à mon sens, éclairer la déclaration pour le moins mitigée de Bayrou au sujet de l’inscription du droit à l’IVG dans la constitution. Il ne critique pas la décision sur le fond. Il laisse entendre qu’à titre personnel, il serait favorable à ce renforcement du droit à l’avortement, mais il « s’interroge » sur l’opportunité d’étudier cette proposition. En bon français, nous comprenons qu’il est contre, quelle qu’en soit la raison. Mais c’est surtout une situation qui lui permet de montrer que la Macronie ne peut rien décider sans son aval.
C’est pour la même raison qu’il se déclare opposé à chercher des accords de coalition avec d’autres formations politiques, telles que les Républicains ou le PS. Il perdrait ainsi son rôle d’arbitre, de faiseur de rois. Il préfère, et de loin, chercher des consensus au coup par coup, faire entrer individuellement au nouveau gouvernement des personnalités de droite et de gauche, pour les ligoter et les bâillonner par la règle de la solidarité gouvernementale. Bayrou se prononce donc pour un « gouvernement des bonnes volontés » dans lequel son parti serait mieux représenté. Il a raison sur un point. Le calendrier lié à l’inscription de l’IVG dans la constitution n’est sûrement pas dénué d’arrière-pensées de la part d’Emmanuel Macron. La proposition émane d’Aurore Bergé, et non du gouvernement, qui s’y déclare cependant favorable. La procédure est plus longue et se conclut par un référendum. Le dépôt de cette proposition de loi est tout sauf spontané, la manœuvre est transparente. Il s’agit d’occuper le terrain et les parlementaires, de faire diversion en reprenant une proposition venue de la Gauche, en espérant démontrer un consensus sur un sujet de société. Marine Le Pen semble également embarrassée, après des positions très contestables sur les « avortements de confort », elle pourrait voter le texte. Emmanuel Macron semble persister dans sa stratégie de gagner du temps en espérant que les choses s’arrangent d’elles-mêmes.