Comme un parfum du passé

Quand vous vous réveillez et que vous allumez la radio sur votre station habituelle, si vous entendez deux bonnes chansons successivement que vous n’aviez pas oui depuis un moment, il y a de bonnes chances pour que vous soyez ramené vers le 20e siècle et ses mouvements de grève dans l’audiovisuel public. Vous en aurez la confirmation quand une voix suave vous précisera qu’« en raison de l’arrêt de travail de l’ensemble des personnels, la station n’est pas en mesure de diffuser l’intégralité des programmes habituels » et vous priera de l’en excuser.

Ce mouvement n’est pas destiné à obtenir des avantages catégoriels, même si les salariés de l’audiovisuel souffrent comme tout le monde de l’augmentation du coût de la vie et des hausses en tous genres sur les denrées de première nécessité. Comme « au bon vieux temps », les syndicats demandent un financement pérenne de leur secteur après la disparition annoncée de la redevance télé dès 2022. Évidemment, beaucoup de Français apprécieront le geste, qui leur apportera une ressource supplémentaire de 138 euros sur une année pleine, ce qui n’est pas négligeable, que les petits salaires lèvent le doigt. Cependant, une hausse du SMIC serait nettement plus utile, et compterait dans la retraite, alors que ce gouvernement préfère faire l’aumône et multiplier les chèques, qui finissent par coûter cher, dixit le ministre de l’Économie. Comme il est d’usage en pareil cas, le gouvernement, la main sur le cœur, s’engage à compenser « à l’euro près » les recettes disparues, comme pour la taxe d’habitation, que les communes, échaudées par les expériences passées ont elles-mêmes remplacées en partie par des hausses des autres taxes locales.

Ce qui est sous-entendu par ces suppressions de taxes et d’impôts, c’est le tarissement progressif des financements publics, au profit d’un paiement « à l’acte ». C’est l’usager qui paie et non le contribuable. Chacun pour soi et les vaches seront bien gardées. C’est la même tendance que dans le parti Républicain aux États-Unis, qui privilégie le marché et le libéralisme débridé, ce qui conduit les Américains à devoir cumuler deux ou trois emplois pour joindre les deux bouts. Nous sommes entrés dans une période d’inflation, où les revenus des salariés sont à la traîne, et mal compensés par des primes inégalitaires, dans le meilleur des cas. Les hausses de salaire sont pourtant inéluctables, ne serait-ce que pour rendre un peu d’attractivité à des professions délaissées. Faute de quoi, le gouvernement qui n’est même pas encore nommé et qui n’aura pas le soutien d’une majorité absolue, risque de subir de plein fouet des mouvements sociaux qui feront regretter les gilets jaunes et l’ambiance bon enfant des ronds-points occupés.