Bombe à retardement

Donald Trump n’est certes plus au pouvoir après la défaite qu’il a subie et qu’il n’a jamais reconnue officiellement, mais les effets néfastes de sa présidence continuent à se faire sentir comme une onde de choc. Encore maintenant, certains de ses partisans sont convaincus que le camp démocrate leur a volé l’élection et que l’assaut du Capitole était légitime. Les récentes fusillades dans les établissements scolaires leur servent à justifier plus que jamais le port d’armes au lieu de les convaincre de ce qui est pour nous une évidence : les armes tuent, et les armes de guerre tuent en masse.

Et voilà que la décision de ne plus sanctuariser la légalisation de l’avortement aux États-Unis, en laissant chaque état libre de sa décision concernant la pénalisation de l’avortement, vient de tomber. Comme on pouvait s’y attendre depuis qu’un rapport préparatoire avait fuité, la pratique de l’IVG ne sera plus considérée comme un droit constitutionnel par la Cour Suprême. Concrètement, cela signifie que les femmes devront changer d’état pour avorter, en prenant garde de ne pas dépasser les délais. Certaines y renonceront, d’autres prendront des risques avec leur santé ou même leur vie, toutes choses que nous avons connues aussi en France avant la loi Veil. C’est un recul historique pour les USA, où plusieurs états se sont précipités dans la brèche pour interdire l’IVG ou le rendre tellement difficile que c’est à présent un frein ou un blocage important. Le système américain d’une juridiction ultime, indépendante du pouvoir exécutif, puisque les 9 juges sont inamovibles et nommés à vie, peut paraître séduisant au premier abord. Il montre ici ses limites. La longévité variable de ses membres a permis à Donald Trump de désigner des juges conservateurs qui lui assurent pour de nombreuses années des décisions très orientées à droite, dirions-nous en France. La majorité des 6 juges sur 9, proches du parti Républicain, laissera peu de chances aux progressistes, car il en reste encore, de faire adopter des mesures « libérales », au sens du développement de libertés individuelles et collectives.

La plupart des chefs d’État occidentaux, parmi lesquels Emmanuel Macron, ont déploré cette décision, mais cela ne pourra pas aller beaucoup plus loin. Les Américains vont devoir guetter l’état de santé des juges en exercice, en espérant que Joe Biden, qui n’est plus tout jeune lui-même, aie le temps de remplacer un ou plusieurs d’entre eux, pour rééquilibrer l’ensemble. Cela risque d’être long avant de retrouver un fonctionnement normal de la magistrature suprême, et il est à craindre que d’autres décisions réactionnaires soient prises auparavant. Si l’on ajoute à cela que les élections de mi-mandat sont souvent perdues par le parti au pouvoir, cela restreint considérablement les capacités d’action du président dans le domaine des questions de société. On l’a vu avec le président Obama, qui en deux mandats, n’a pas fait passer la totalité de son programme. Et gare à la sanction d’un Donald Trump revanchard et qui garde encore beaucoup de supporters.