Presse, morale et politique
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 24 juin 2022 10:01
- Écrit par Claude Séné
Même avant la percée historique de la France insoumise aux dernières législatives, l’ex-majorité macroniste concentrait ses attaques contre la formation dirigée par Jean-Luc Mélenchon, qualifiée d’extrême gauche pour tenter de la disqualifier. Et puis c’était pratique. Emmanuel Macron lui-même aimait bien simplifier en caricaturant les positions. Il prétendait ainsi incarner un « extrême-centre » opposé aux extrêmes de la droite et de la gauche. Parmi les personnalités les plus visées se retrouve le couple formé par Raquel Garrido et Alexis Corbière, qui permet de faire coup double. L’un comme l’autre sont plutôt pugnaces et n’hésitent d’ailleurs pas à rendre coup pour coup.
C’est le jeu politique, et il faut avoir le cuir un peu épais pour s’aventurer dans cette arène qui n’a rien d’un monde de Bisounours. L’affrontement sur des idées est un exercice sain, qui permet souvent de clarifier les positions. On ne peut pas non plus exiger de chacun qu’il s’en tienne à une joute à fleurets mouchetés, mais il y a des limites à ne pas dépasser. Quand Marine Le Pen ou Jordan Bardella traitent leurs adversaires de Zadistes, on devine bien que ce n’est pas à leurs yeux un compliment et qu’ils se retiennent ainsi d’employer des injures qui pourraient tomber sous le coup de la loi. Le journal Le point, qui n’est pas réputé pour son hostilité à l’égard du gouvernement a publié un article à charge contre le couple de députés insoumis, et a fini par le retirer en constatant qu’il semblait purement et simplement bidonné. Les députés visés, qui emploient une femme de ménage, ont été accusés de l’exploiter et de la faire chanter pour qu’elle accepte un contrat de travail confinant à de l’esclavage moderne. Les « preuves » consistaient dans des captures d’écran de réseaux sociaux, totalement invérifiables, et visiblement et maladroitement trafiquées.
L’impression que cela me donne, c’est qu’il s’agirait d’une forme de vengeance après la révélation de nouvelles accusations concernant Damien Abad, tout récemment rallié à l’ex-majorité, qui s’accroche à son fauteuil de ministre. Il ne s’agit pas du tout d’affaires comparables : Damien Abad doit s’expliquer et en tirer, éventuellement, les conséquences, alors que les députés insoumis sont visiblement une cible, mais sont d’ores et déjà hors de cause. Par ailleurs, ce lâcher de boules puantes fait office d’écran de fumée, avec pour objectif de banaliser ces affaires, au risque de renforcer un sentiment de défiance à l’égard de l’ensemble de la classe politique, déjà mal en point. C’est une nouvelle preuve, s’il en était besoin, de la fébrilité qui a gagné le sommet de l’état. Jupiter sait qu’il n’est plus intouchable, et il ne dédaignera pas de porter discrètement des coups en dessous de la ceinture, si le peuple arbitre n’est pas attentif.