Je cohabite chez une copine
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 23 juin 2022 09:12
- Écrit par Claude Séné
Ce serait presque la formule qui pourrait résumer la situation inédite dans la laquelle se trouve actuellement la France et qu’a tenté de présenter le président dans une allocution très courte, reflétant probablement son embarras. Emmanuel Macron fait, comme toujours, bonne figure même et surtout quand il est en difficulté. Il s’applique à ne pas laisser transparaître les émotions qui ont dû cependant l’affecter et il feint de diriger des éléments qui en réalité s’imposent à lui. Il a été le premier président de la République réélu en dehors d’une période de cohabitation, mais il n’a pas obtenu la majorité nécessaire à la mise en place de son projet.
Une cohabitation inversée, en quelque sorte. Si l’opposition, et notamment la nouvelle union de la gauche, avait obtenu une majorité alternative, nous nous serions retrouvés dans la situation connue par Mitterrand ou Chirac dans le passé, dans laquelle Premier ministre et président se partageaient le pouvoir, sans que le pays en soit paralysé. Emmanuel Macron fait observer, à juste titre, que la situation de la France est courante dans d’autres pays, où les partis nouent des alliances pour gouverner ensemble, et ce ne sont pas toujours les mêmes partenaires. Les puristes feront observer que c’est précisément pour arrêter ces pratiques de la 4e république que de Gaulle revenant au pouvoir en 1958 avait fait adopter une nouvelle constitution, lui donnant des pouvoirs très étendus. C’est de cette époque que date le terme de députés « godillots » dont les descendants de la REM ont hérité le sobriquet de « playmobils ».
Même si l’on conserve la constitution actuelle, le simple fait de ne pas avoir de majorité automatique et de devoir se mettre d’accord sur des programmes de gouvernement dans lesquels le président n’aurait pas la mainmise sur les décisions de tous ordres, changerait l’esprit des institutions, et rendrait du pouvoir aux corps intermédiaires. Il faut peut-être aussi en profiter pour réduire drastiquement la production de textes de loi, qui s’empilent alors même que les lois précédentes ne sont pas promulguées, ou n’ont pas reçu de circulaires d’application, ou sont tout simplement restées lettres mortes. Quand nos voisins belges sont restés jusqu’à 16 mois avant de trouver un accord permettant de renouveler leur gouvernement, les anciens ministres ont continué à travailler pour « expédier les affaires courantes », comme on dit, et le pays ne s’en est pas porté plus mal. Ce qui ressort des différents votes récents, c’est d’abord une lassitude des Français, qui, ne trouvant pas chaussure à leur pied, ont désigné un président par défaut, et ensuite des députés du même métal. Le RN ne fait plus peur et il obtient ce qui est malheureusement son dû. Les partis de gouvernement doivent en tirer les enseignements, notamment à gauche, et proposer une alternative convaincante.