La fonction crée l’organe

Qu’y a-t-il de commun entre l’affaire d’Outreau, celle de Jérôme Kerviel et la mort de Zied et Bouna, qui sont revenues dans l’actualité en ce moment ? À première vue, rien. Et pourtant. L’instruction de l’affaire d’Outreau, qui s’est soldée par le désastre judiciaire que l’on sait, et qui rebondit de façon totalement incompréhensible pour le commun des mortels avec le nouveau procès au tribunal des mineurs de Daniel Legrand, avait été confiée au juge Fabrice Burgaud.

Ce magistrat avait pris ses premières fonctions en septembre 2000 et il se voit confier cette affaire extrêmement complexe, comme on le verra plus tard, en février 2001, par le hasard du tableau de roulement. Le juge Burgaud a alors 29 ans et une expérience proche de zéro. Il commettra de nombreuses erreurs qui lui vaudront en 2009 de recevoir une réprimande du Conseil supérieur de la magistrature.

Dans l’affaire de Jérôme Kerviel, ou peut-être devrait-on dire de la Société Générale, l’enquêtrice s’est confiée à Mediapart pour faire part de ses doutes a posteriori sur la possible manipulation dont elle aurait été l’objet de la part de la banque pour orienter ses auditions et donc ses conclusions. Nous apprenons à cette occasion que la policière qui avait été chargée de l’affaire à la brigade financière n’était pas du tout une spécialiste de la Bourse, selon ses propres dires, et que ses services ne disposaient pas du matériel informatique nécessaire pour mener eux-mêmes leurs investigations. D’où la nécessité de recourir aux bons offices de la banque.

Enfin, le procès des deux policiers accusés de non-assistance à personne en danger qui s’est tenu à Rennes et qui a abouti à une relaxe a mis en lumière que l’un d’entre eux au moins manquait de formation et de connaissance du terrain où s’est déroulé le drame qui a causé la mort des deux adolescents. À l’époque des faits, Stéphanie Klein, qui tenait le standard de la police, était stagiaire et arrivait de sa Champagne natale. Elle ne connaissait donc pas l’existence de la centrale EDF. Il n’empêche. Tout comme le juge Burgaud ou la commandante Nathalie Le Roy, elle occupait une fonction et elle était donc réputée compétente pour l’exercer. Sans exonérer les individus de leur propre responsabilité, il m’apparait nécessaire de rechercher et au besoin de sanctionner ceux qui ont été à l’origine de telles situations, y compris très haut dans la hiérarchie.