Quand Mutti n’est plus là

Les résultats du scrutin législatif en Allemagne étaient attendus avec curiosité chez nous. La seule certitude, c’était que la Chancelière sortante, Angela Merkel, surnommée affectueusement « Mutti », Maman, ne se succèderait pas à elle-même pour un 5e mandat, puisqu‘elle avait annoncé son retrait depuis plusieurs mois. Elle pourrait cependant, à son corps défendant, battre le record de longévité à la tête du pays détenu par Helmut Kohl, car elle devrait expédier les affaires courantes jusqu’à la désignation d’un nouveau chancelier, soutenu par une majorité de députés fraîchement élus, qui doivent encore se mettre d’accord.

Et cela devrait prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Nous sommes tellement habitués au système majoritaire, qui donne une prime généreuse au parti arrivé en tête et amplifie des succès parfois très relatifs, que nous avons du mal, en tout cas en ce qui me concerne, à imaginer la constitution de coalitions apparemment disparates que nécessite un fonctionnement basé sur la proportionnelle. Les deux partis traditionnels allemands, le centre gauche du SPD et le centre droit de la CDU-CSU sont arrivés presque à égalité avec environ un quart des suffrages, mais ne devraient pas, sauf surprise, s’unir pour gouverner ensemble. Chaque camp revendique le privilège de former un gouvernement. Il leur faudra convaincre les partis charnières des Verts et des Libéraux, que pourtant tout oppose, de s’allier avec eux. Les tractations promettent d’être laborieuses et les « arbitres » feront sûrement monter les enchères en termes de programme et de postes ministériels.

Vus de France, les compromis que ce système oblige à faire semblent insurmontables. On a vu comment Nicolas Hulot avait fini par jeter l’éponge, alors même que les divergences idéologiques ne semblaient pas insurmontables, mais il faut reconnaitre qu’en Allemagne cela marche, et n’empêche pas une grande stabilité dans la politique extérieure du pays, surtout pendant l’ère Merkel. C’est pourtant le parti de la chancelière qui sort le plus affaibli de ce scrutin, car son nouveau leader peine à convaincre. Il souffre de la comparaison avec « Mutti » et il a déjà commis de nombreuses gaffes, comme la dernière en date, de laisser voir son bulletin de vote aux caméras. Un autre enseignement de cette élection, c’est la stagnation des votes en faveur des Verts, et le recul des extrémistes de droite de l’AFD, ce qui démontrerait que la proportionnelle intégrale qui fait peur en France, ne favorise pas nécessairement les partis les plus radicaux. Finalement, les électeurs allemands sont plus ou moins restés fidèles aux anciens clivages, avec un retour remarqué des socialistes que l’on croyait en perte de vitesse pour longtemps, et qui pourraient fournir le prochain Chancelier avec Olaf Scholz, actuel ministre des Finances, s’il arrive à convaincre les Verts et les Libéraux de s’allier avec lui.