Le changement dans la continuité…

et vice versa…

Je vous emmène dans les années 1963, quand, jeune institutrice de 21 ans, fraîchement sortie de l’école normale de Nantes, je débarque dans un petit village du pays de Retz. Il y avait deux écoles, l’une laïque (comme on disait à l’époque) de 3 classes, l’autre confessionnelle de 8 classes, j’ai affronté très vite une réalité pratique et morale très complexe !

Ma classe allait de la classe enfantine au cours préparatoire. Il fallait traverser depuis mon logement de fonction à peine habitable au confort sommaire (pas de chauffage, de temps en temps de l’eau à l’étage,) une cour de récréation en terre battue, avec un misérable préau branlant, pleine de nids de poule, pour enfin arriver dans un local immense aux murs crépis blancs, meublé de petites tables doubles en bois fatiguées et d’un bureau. Au milieu de la pièce trônait un poêle Godin dont je saurai très vite qu’il me faudrait l’allumer moi-même, les matins d’hiver très tôt, pour que les élèves puissent trouver un peu de chaleur… à ma grande déception peu de matériel pour les petits, aucun manuel de lecture pour les CP… aucune fourniture d’aucune sorte… ni crayons, ni cahiers.

La lutte fratricide, école privée, école publique, était une réalité de tous les jours, jusqu’à « interdire » aux enseignants publics l’accès à une des deux épiceries du village, heureusement la boulangère était neutre !

Vous avez saisi l’ambiance ? Il y avait de quoi désespérer, mais c’était sans compter sur la solidarité des enseignants du département, qui avaient créé un système de prêt « aux écoles déshéritées » comme on appelait les petites écoles rurales. C’était sans compter aussi, que je me faisais une haute idée de ma mission, que mon choix d’enseigner était une vraie vocation, il en fallait donc plus pour me décourager.

Mon salaire satisfaisant, de titulaire, en janvier 1964, qui dépassait largement celui de mon conjoint, agent technique EDF, participait à ma détermination de remplir ma tâche le mieux possible.

Premier changement, aujourd’hui en 2021, le salaire d’un professeur des écoles de 1666 € net est largement inférieur à celui que recevrait le même technicien 2783 € net, pour que le niveau de revenus d’un « professeur des écoles » soit au même niveau qu’en 1976, il faudrait qu’il débute à 2180 € nets, le plus beau métier du monde a perdu de son attractivité, les écarts salariaux avec les autres professions se sont agrandis !

Autre changement notable, un instituteur maintenant s’appelle « professeur des écoles ».

Ma génération a eu la chance de profiter des « écoles normales d’instituteurs » auxquelles on avait accès par concours au niveau de la troisième des collèges. On y poursuivait sa scolarité et sa formation professionnelle, entièrement prise en charge par l’État. Ce qui se traduisait concrètement, par la mise en place d’un véritable ascenseur social. Sans ce système, j’aurai eu droit à une carrière d’employée de banque ou des postes ! La suppression des écoles normales, loi Jospin 1989, confiant la formation des enseignants aux IUFM, rattachés à une université (supprimés en 2013, remplacés par l’ESPE intégré à l’université) demandant bac plus 3 supprimés, puis un Master1 pour accéder à cette école supérieure, a écarté toute une population n’ayant pas les moyens d’assurer les études universitaires obligatoires !

Le sujet est si vaste que je le compléterai dimanche prochain… bon dimanche

 

L’invitée du dimanche