Ligne de crête

Une nouvelle fusillade s’est déroulée aux États-Unis, malheureusement coutumiers du fait, mais dans un contexte très différent de celles qui ont vu des individus ouvrir le feu sans motivations très claires, généralement en proie à des délires paranoïaques. En l’occurrence, il semble que les deux hommes abattus par les policiers après qu’ils aient tiré sur un officier avaient l’intention de commettre un massacre similaire aux attentats de Paris et plus récemment de Copenhague. Selon certaines sources, les assaillants pourraient appartenir à la mouvance état islamique « au Texas », une organisation dont apparemment personne n’avait entendu parler jusqu’ici.

La cible de cette attaque était un centre culturel et commercial dans lequel se déroulait un concours de caricatures de Mahomet doté d’un prix de 10 000 dollars. Selon ses organisateurs, il s’agissait de défendre la liberté d’expression, et la tentative d’attentat est présentée comme une atteinte à la liberté de tous. Il s’agit clairement d’une récupération de ce que nous appelons en France « l’esprit du 11 janvier » en référence à la manifestation qui a suivi les attentats contre Charlie hebdo et l’Hyper casher. En effet, l’association « American Freedom Defense Initiative » qui organisait l’évènement, est bien connue pour ses positions anti Islam, et ce concours apparait comme une provocation n’ayant pas grand-chose à voir avec le pluralisme et la liberté de la presse. Les journalistes-dessinateurs de Charlie ont prouvé à de nombreuses reprises qu’ils s’attaquaient aux intégrismes et aux totalitarismes sans distinction et qu’ils ne s’en prenaient pas spécifiquement à une religion, sinon comme symbole de l’obscurantisme. Inversement, ce concours de caricatures illustre une islamophobie américaine en passe de remplacer le maccarthysme de l’immédiat après-guerre pendant lequel l’anticommunisme a servi de ciment à la nation entraînant une chasse aux sorcières, stupide, immorale et suicidaire.

Il n’est que de regarder les attaques dont a été l’objet le président Obama, accusé de pratiquer la religion musulmane, comme si cela suffisait à le disqualifier définitivement pour toute activité politique. Par ailleurs, l’invité d’honneur du concours était le politique néerlandais Geert Wilders, connu pour ses prises de position sur l’Islam, qu’il qualifie d’idéologie fasciste, cependant qu’il compare le Coran à Mein Kampf d’Adolf Hitler, un garçon tout en nuance, donc.

Ce n’est pas la première fois que nous constatons que le mot laïcité n’a pas d’équivalent dans une autre langue et que le concept en est difficile à saisir.