Le monde selon Booba

Impitoyable ! Comme celui de Clint Eastwood le talent en moins. Le rappeur sort un nouvel album et il en profite pour se payer sa promotion publicitaire sur le dos des dessinateurs de Charlie hebdo assassinés en janvier. Quelle élégance ! « Ai-je une gueule à m’appeler Charlie ? demande-t-il. » On comprend assez rapidement qu’il vaut mieux répondre non. Parce que Booba joue sur la panoplie du rappeur, noir de peau et de vêtements, casquette et grosse chaine, biscoteaux et pectoraux facilement exhibés, un gabarit de boxeur poids lourd sur vitaminé à la nandrolone et à la gonflette.

Comme aurait dit Coluche, un mec patibulaire, mais presque. Et quel est le message que Booba voulait nous délivrer, toutes affaires cessantes ? « Quand on joue avec le feu, on se brûle », une manière de renvoyer dos à dos des journalistes armés d’un crayon et les fanatiques jouant de la Kalachnikov. Booba sait très bien qu’en refusant de choisir, il choisit le camp des assassins. Mais cela lui permet de soigner sa posture de rebelle et de défenseur des opprimés. Il est plus facile de dénoncer les ghettos que d’y vivre. Personnellement, je ne connaissais que très mal Booba, car le genre de sa production m’a toujours semblé le degré zéro de la musique et je suis totalement imperméable au charme discret de la rythmique appuyée et des samples sirupeux qui accompagnent généralement des flots de banalités machistes et racistes. Vous ne me croyez pas ? Voici le début d’un morceau, le Duc (c’est lui) : « tu veux détrôner le Duc, tu vas te la prendre dans l’uc ».

Non, ce n’est pas la splendeur des textes qui m’avaient fait entendre parler de Booba, mais ses pauvres polémiques avec ses confrères, La Fouine et Rohff, sur la distance jusqu’à laquelle les uns et les autres pouvaient projeter leur urine et la taille de l’appareil qui leur permettait cet exercice. Ce qui est navrant, c’est que les textes de Booba, malgré leur évidente pauvreté, peuvent avoir une certaine influence sur des populations jeunes et peu éduquées du simple fait de leur statut de révolte et de provocation. On l’a bien vu quand certains élèves de quartiers populaires ont refusé de s’associer à l’hommage de la nation aux victimes des attentats de janvier. La jeunesse mérite de meilleurs porte-paroles.