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Lui, c’est lui
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 6 mai 2020 10:48
- Écrit par Claude Séné
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Et moi, c’est moi. La formule remonte à 1984, alors que Laurent Fabius vient de succéder à Pierre Mauroy au poste de Premier ministre de François Mitterrand, et qu’il est interrogé sur ses relations avec le Président de la République. Considérée à l’époque comme une affirmation de l’indépendance du chef du gouvernement, elle démontre une nouvelle fois l’ambiguïté des relations entre les deux têtes de l’exécutif, condamnées à s’entendre, mais où il y en a une plus égale que l’autre. La différence essentielle tient au fait que l’un peut révoquer l’autre, mais non l’inverse.
Officiellement, il n’y a aucune divergence, ni de forme, ni de fond, ni même de méthode entre Emmanuel Macron et Édouard Philippe, même si des rumeurs récurrentes annoncent régulièrement le remplacement du Premier ministre. Il n’y avait, parait-il, pas la place de glisser une feuille de papier à cigarette entre François Hollande et Manuel Valls, pas plus qu’entre François Fillon et Nicolas Sarkozy. Pour ce dernier, la raison en était simple : « je décide et il exécute ». S’il n’en pensait pas moins, le Premier ministre a avalé toutes les couleuvres, tout en jouant les Cassandres en déclarant qu’il était à la tête d’un pays en état de faillite, dans l’espoir, déçu, de succéder à son mentor en s’accrochant à son poste tout au long du quinquennat. La petite phrase du Président au cours de son entretien télévisé après la visite d’une école en région parisienne a donc fait sursauter les observateurs attentifs de la vie politique hexagonale. Il a refusé de reprendre l’expression de « risque d’écroulement » utilisée par son Premier ministre, en indiquant qu’il n’avait pas ces grands mots. C’est pourtant une position constante d’Édouard Philippe ces derniers jours de choisir la dramatisation et d’accentuer la nécessaire discipline demandée à chacun. En d’autres temps, on pourrait imaginer une répartition voulue des rôles, sur le modèle archiconnu du « good cop, bad cop », mais je crois qu’ici il n’en est rien, qu’il s’agit d’une divergence réelle sur la stratégie de communication, et qu’elle pourrait expliquer les errements et les contradictions qui émaillent les décisions en cette période de crise.
Je ne suis pas sûr que les deux éléments soient liés, mais la cote du président, après une embellie, a de nouveau chuté, tandis que celle du Premier ministre remontait, si bien que les courbes se sont croisées et qu’Édouard Philippe est à présent plus populaire qu’Emmanuel Macron. Ce qui est plus préoccupant encore pour le chef de l’état, c’est que les opinions négatives sont majoritaires, pour l’un comme pour l’autre. De tous nos voisins immédiats, c’est en France que l’on fait le moins confiance à l’exécutif pour venir à bout de l’épidémie. Les dirigeants paient ainsi les arriérés de la gestion de la crise des gilets jaunes et des réformes aux forceps de l’assurance chômage et des retraites.