L’album de la comtesse

Rassurez-vous, je ne vais pas vous soumettre à l’exercice parfois redoutable que propose le Canard enchaîné pour distraire son lectorat et qui consiste à décrypter des contrepèteries et à en débusquer le sens caché, généralement grivois. Cette comtesse-là, c’est celle de Ségur, née Rostopchine, qui a égayé mon enfance et peut-être la vôtre, à laquelle j’ai été irrésistiblement renvoyé par Olivier Véran quand il a évoqué la création de « brigades d’anges gardiens » pour veiller sur la santé de nos concitoyens.

Je me suis dit, « in petto », comme le cuistre qui préside à nos destinées, que nous n’étions en effet pas sortis de l’Auberge, fut-elle de l’ange gardien, et que le ministre de la Santé se prenait pour le général Dourakine. Allons-nous assister, impuissants, aux nouveaux malheurs de Marianne, pardon, de Sophie ? Le gouvernement attend-il de nous que nous nous comportions en petites filles modèles ? Ou en bons petits diables ? Si le ministre s’est cru obligé de rebaptiser les brigades officiellement nommées de « cas contact » chargées de dresser un fichier des personnes susceptibles d’avoir été contaminées par le covid-19, c’est probablement pour gommer l’aspect flicage sous-entendu par le vocable brigade. On se souvient des brigades du Tigre, comme on a surnommé les brigades régionales de Police mobile créées par Clemenceau pour lutter contre le crime organisé, ancêtres des Brigades anti-commando (BAC) et des Brigades de recherche et d’intervention (BRI) dont l’image n’est pas nécessairement positive dans le public. Ne parlons même pas des Brigades rouges, qui ont sévi notamment en Italie dans les années 70 en prônant le terrorisme et la lutte armée. Dire qu’il y a probablement une ou plusieurs personnes chargées de donner un joli nom chrétien à toutes les inventions plus ou moins utiles concoctées par une technocratie fatiguée ! Ce sont peut-être les mêmes qui ont inventé « la distanciation sociale » et autres fariboles du même tonneau ! Je parle du mot, hein, pas de la chose, fort utile au demeurant.

En l’occurrence, les fameuses brigades, quel que soit leur nom, auront bel et bien pour mission de traquer les patients, et avec leur assentiment, du moins, on l’espère, de constituer un fichier de leurs contacts susceptibles d’avoir été contaminés. Cette usine à gaz devra s’appuyer sur un travail titanesque de milliers de personnes qui ne seront pas tous médecins, et les garde-fous ne prémuniront pas à coup sûr de toute utilisation dévoyée de ces données, qui seront nécessairement et par nature nominatives. On ne parle d’ailleurs déjà plus de l’application sur smartphone qui devait résoudre automatiquement tous les problèmes. Les dérives que l’on craignait avec un système basé sur des algorithmes n’ont pas disparu en réintroduisant de l’humain dans le dispositif. On en a simplement modifié la nature.

Commentaires  

#1 jacotte86 04-05-2020 12:44
chassez l'enfance elle revient au galop...
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