Le crétin des Alpes

En dehors d’être une des injures favorites du Capitaine Haddock, le crétin des Alpes serait le fruit d’une carence en iode, doublée des tares dues à la consanguinité, en raison de l’isolement des montagnards pendant les longues soirées d’hiver. Il est donc difficile de déceler un compliment quand Michel Onfray qualifie Manuel Valls de crétin, même s’il décrète que, selon le dictionnaire, il s’agit d’une familiarité et non d’une insulte. Tout ça parce que le premier ministre a insinué que le philosophe avait perdu ses repères en recommandant la lecture d’un penseur inconnu du grand public, fondateur de la « Nouvelle droite », Alain de Benoist.

 

Ce qui gêne Manuel Valls dans cette référence, c’est que l’idéologue sulfureux d’extrême droite qui plait tant à Michel Onfray a inspiré en grande partie le programme du Front national, en camouflant son discours réactionnaire sous le couvert d’un anticapitalisme et d’une antimondialisation de bon aloi. Suffisamment pour que Michel Onfray puisse y trouver des « idées justes », qu’il rapporte à des « analyses injustes » professées par ses têtes de Turc favorites, Bernard-Henry Lévy, Alain Minc ou Jacques Attali.

Là où Michel Onfray n’a pas tort, c’est quand il souligne que ces intellectuels, qui se proclament de gauche, n’en apportent pas systématiquement la preuve dans leurs prises de position ou dans leurs actes. Un reproche qui vaut aussi pour le président et le premier ministre, et dont il ne se prive pas. Il suffit de se replonger dans l’histoire de la 2e moitié du 20e siècle pour s’en convaincre. Les congrès de la SFIO puis du Parti socialiste regorgent de textes plus combatifs les uns que les autres, dont il ne reste plus grand-chose dans les actes qui ont suivi. Il ne suffit pas de ressembler à la gauche pour être de gauche, même s’il n’est pas forcément nuisible d’imiter la foi du charbonnier. Non, là où le bât blesse, c’est quand Michel Onfray néglige de s’appliquer à lui-même les préceptes dont il use à l’égard des autres. Il pose en axiome qu’il est de gauche, que dis-je, qu’il incarne la gauche, et plus que tout autre. Tout devient alors très simple. Il suffit de le rejoindre dans la tour d’ivoire qu’il a érigée, du haut de laquelle il distribue les bons et les mauvais points, ainsi que les brevets d’orthodoxie gauchère. Quant aux autres, qu’ils croupissent dans les bas-fonds du crétinisme !