Le feu au lac

L’expression ne s’emploie habituellement qu’à la forme négative. On l’utilise pour désigner une situation qui n’appelle pas de réponse immédiate. Dire : « il n’y a pas le feu au lac » permet de temporiser, de prendre du recul, d’avoir le temps de la réflexion. C’est un luxe qui devient de plus en plus inaccessible pour le gouvernement, soumis aux inquiétudes et à la colère de catégories sociales toujours plus nombreuses. Hier, c’était au tour des pompiers de manifester à Paris et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ont été reçus comme des chiens dans un jeu de quilles.

Les pompiers, qu’ils soient professionnels ou bénévoles, se plaignent déjà d’être mal reçus dans certains quartiers, alors qu’ils viennent simplement faire leur travail et essayer de porter secours aux populations, une incompréhension qu’ils partagent avec les policiers. Englobés dans une même défiance envers les autorités, quelles qu’elles soient, ils s’attendaient à un meilleur accueil que les canons à eau, les gaz lacrymogènes et les matraquages quand ils sont venus réclamer une meilleure rémunération, une augmentation de leurs effectifs et des garanties sur leur retraite. Sous prétexte d’être sortis du trajet déposé en préfecture, ils ont été remis dans le « droit chemin » sans ménagements, au grand dam des syndicalistes faisant appel à une solidarité dont n’avaient cure les CRS. Visiblement, les ordres étaient bien différents de ceux qui ont permis aux militants du mouvement Extinction Rebellion de squatter la place du Châtelet, et de manifester en faveur du climat et de la biodiversité sans être outre mesure inquiétés. Il faut croire qu’il y a des bons et des mauvais manifestants.

En tout cas, il y en a beaucoup et des divers. Pour des causes variées, mais dont le point commun est le nerf de la guerre. Les paysans réclament un revenu décent et un minimum de considération. Les urgentistes, médecins ou paramédicaux, demandent une meilleure rémunération et des postes, sans compter une amélioration globale de la situation de l’hôpital public. On n’oublie pas les « gilets jaunes », moins nombreux qu’au début du mouvement, mais à qui le pouvoir n’a fait que le simulacre d’une écoute. Les transports sont également touchés par des grèves sporadiques. Le dossier des retraites, que le gouvernement a plus ou moins mis en stand-by pour ne pas accumuler les sources de conflits sociaux, reste très explosif. D’une manière générale, les salariés ont conscience d’une injustice flagrante entre leurs revenus et ceux des catégories sociales plus favorisées. Cette situation peut dégénérer à tout moment. L’appareil répressif est surchargé et peut déraper à n’importe quelle occasion, et là, il y aura vraiment le feu au lac.