Affaire sensible

Je ne pense pas que Fabrice Drouelle reprenne un jour sur France Inter la querelle du voile islamique porté par des accompagnatrices scolaires dans son émission plutôt centrée sur des faits divers, mais les polémiques entraînées par ce sujet n’ont rien à envier à celles des petites ou grandes histoires traitées à l’antenne. La résurgence de la querelle remonte à cette affiche de la fédération de parents d’élèves FCPE qui montrait une femme voilée en train d’accompagner une sortie scolaire. Au sein même de la fédération, elle était sujette à controverse, certains militants estimant cette tenue contraire au principe de laïcité.

La question a déjà profondément divisé la société avant d’être tranchée par la loi, qui interdit depuis 2010 le port du voile dit intégral dans l’espace public. Les fonctionnaires ne peuvent pas arborer de signes religieux, ni, par extension, les parents qui interviendraient comme animateurs dans le cadre scolaire. Rien ne s’oppose en revanche à ce que des femmes voilées puissent accompagner des sorties scolaires, du moment qu’il n’y a pas de prosélytisme. Le conseiller régional du Rassemblement national, Julien Odoul, était donc parfaitement hors-la-loi en demandant à une accompagnatrice de quitter son voile pour assister aux débats du Conseil de Bourgogne-Franche Comté. L’incident aurait dû être clos par un rappel aux règles en usage, libre au RN de demander une modification de la loi, en d’autres temps et autres lieux. Certains élus RN se sont d’ailleurs désolidarisés de cette initiative jugée « maladroite ». Mais le voile est aussi le symbole de plusieurs questions qui divisent l’opinion et les formations politiques.

Tout d’abord, il est relié à la religion islamique, à un moment où le risque terroriste est réactivé par l’affaire Mickaël Harpon. Il pourrait être considéré comme un signe de radicalisation, et certains politiques voudraient l’interdire purement et simplement sur notre territoire. D’autre part, il apparaît comme le signe d’une aliénation des femmes musulmanes, qui seraient « obligées » de le porter, ou endoctrinées au point d’être des victimes « volontaires » ou résignées. C’est peut-être ce qui a amené le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, à déclarer son hostilité de principe à ce port du voile, s’attirant les critiques de certains députés de la République en marche, et déclenchant une crise ouverte au sein de son mouvement. À vouloir ménager la chèvre et le chou, la politique du « en même temps » montre ici ses limites. Que cela plaise ou non à Mr Blanquer ou à Madame Schiappa, la minorité musulmane existe en France. Elle doit bénéficier des mêmes droits que les autres, sans favoritisme ni exclusion. Le voile fait partie de ses traditions et son port est encadré par des lois et des usages finalement plutôt bien acceptés par la population et les musulmans eux-mêmes. Appliquons donc ces lois.