Sans déconner, Jean-Luc !

C’est une affaire entendue. Jean-Luc Mélenchon est un formidable tribun. Il n’a pas son pareil pour haranguer les foules et les exhorter à ne pas se laisser faire. Il a aussi le sens de la formule et trouve souvent le mot juste pour convaincre. Et il n’est jamais aussi bon que lorsqu’il accepte de fendre l’armure, de renoncer au bruit et à la fureur dont il agrémente généralement ses discours. En plus de quoi, il défend souvent de nobles causes et on le trouve généralement du côté de la veuve et de l’orphelin.

Malheureusement, Jean-Luc n’a pas la science infuse, et pas plus que le pape, il ne peut prétendre à une quelconque infaillibilité. Passons sur les péripéties de la perquisition de son domicile et de sa permanence, qui l’ont amené à se laisser aller à des débordements inutiles qui n’ont porté préjudice qu’à une seule personne, lui-même. Oublions les maladresses quand il évoque des barbares à propos de l’attitude de certains policiers, ce dont il s’est plus ou moins excusé. Le talon d’Achille de Jean-Luc, c’est la politique étrangère. Il est resté fidèle contre vents et marées à l’héritage castriste, malgré ses dérives autoritaires. Ce n’est pas parce que les États-Unis ont soutenu des contre-révolutions et instauré des républiques bananières que les régimes de type bolivarien seraient absous de leurs erreurs politiques et des atteintes aux libertés des peuples qu’ils dirigent d’une main de fer. Pour Jean-Luc Mélenchon, il faut nécessairement choisir un camp, quitte à se boucher le nez et fermer parfois les yeux.

C’est au nom de ce principe, j’imagine, qu’il nous a sorti un tweet surréaliste hier : « Excellente nouvelle. L’armée syrienne va défendre son pays contre l’invasion de l’armée d’Erdogan et de leur supplétif djihadiste. La France doit les aider. » Donc, si je comprends bien, Jean-Luc soutient Bachar El-Asad, bourreau de son peuple, et son protecteur Wladimir Poutine, grand démocrate devant l’éternel s’il en est, et qui, au passage, ne se prive pas de vendre des armes à la bête noire de Mélenchon, le président turc. Encore, si Jean-Luc Mélenchon argumentait qu’il choisit d’abord de lutter contre la peste Daesh avant de s’en prendre au choléra Bachar, pourrait-on en discuter. Si, comme la plupart des Européens, il se désolait d’un guêpier devenu inextricable d’intérêts divergents au milieu desquels les populations sont prises en étau, nous pourrions le soutenir. Mais se réjouir du renforcement d’un régime honni de la plus grande partie de sa population et objectivement haïssable par l’opinion internationale, me paraît hors de propos. À quand l’approbation de la répression du peuple de Hong Kong par la glorieuse armée chinoise ?