La colère de Macron
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 11 octobre 2019 10:19
- Écrit par Claude Séné
Je sais, c’est puéril, mais le simple fait qu’un Emmanuel Macron, tout président de la France qu’il soit, se sente désavoué par une poignée de députés européens qui recalent sa candidate à un poste de commissaire, me met en joie. Surtout quand il énonce clairement qu’il avait tout combiné avec la présidente de la Commission, qui lui avait donné son accord après avoir négocié avec les formations politiques du parlement européen. En substance, il s’indigne que ses magouilles n’aient pas été entérinées. Pour quelqu’un qui critique « l’Ancien Monde », ce n’est pas très reluisant.
Pourtant, le président français devrait être reconnaissant envers les députés européens, qui, en recalant maintenant Sylvie Goulard, lui ont évité une humiliation bien plus grande si elle avait été contrainte dans quelques semaines ou quelques mois de démissionner de son poste, comme elle en avait pris l’engagement en cas de condamnation dans l’affaire de l’emploi présumé fictif d’un assistant parlementaire. Cette épée de Damoclès n’aurait pas été un facteur de calme et de sérénité dans un poste qui en demande beaucoup puisque Mme Goulard aurait été chargée de l’organisation du marché intérieur européen. Elle aurait eu à arbitrer entre des intérêts contradictoires, et c’est précisément sur ce point qu’elle n’a pas obtenu la confiance des députés européens. Même si sa candidature n’a pas été écartée a priori comme celles du Hongrois Trocsany ou de la Roumaine Plumb, convaincus de conflits d’intérêts avérés, les doutes sur ses rapports avec les milieux de la finance ont été suffisants pour dissuader une majorité de la nommer à ce poste au bout de deux auditions.
Entre octobre 2013 et janvier 2016, Sylvie Goulard a été très bien rémunérée par un institut pratiquant le lobbying pour un « travail » aussi prenant que celui de Pénélope Fillon ou Xavière Tibéri. Pour sa défense, elle argue du fait qu’elle s’est occupée un temps de la lutte contre la pauvreté. Elle a au moins réussi à éradiquer la sienne, c’est déjà ça. Les députés européens qui ont statué sur sa candidature ont dû avoir du mal à comprendre pourquoi une affaire en cours concernant son attaché parlementaire l’avait empêchée de rester ministre des Armées et lui permettrait cependant de devenir commissaire européenne. À l’évidence, la discussion n’a pas porté sur ses compétences, réelles ou supposées, pour exercer cette fonction, mais bien sur sa crédibilité et sur son intégrité. En présentant sa candidature, Emmanuel Macron s’est mis tout seul en situation de recevoir ce camouflet, qui lui est personnellement destiné et ne remet pas en cause l’influence de la France, mais souligne le manque de discernement de son principal dirigeant. Pas étonnant qu’il en soit resté vert de rage, avec un caquet nettement rabaissé.