Guerre d’automne
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 10 octobre 2019 10:15
- Écrit par Claude Séné
Coluche nous expliquait être incapable de parler le turc, ou alors seulement sous la torture. Il est vrai qu’il s’agit d’une langue difficile, surtout quand elle est pratiquée par son président, Recep Tayyip Erdogan, car il faut déchiffrer, décrypter, et pour finir traduire le jargon langue de bois dont il fait son ordinaire. Je me suis donc permis de donner en titre la véritable signification de l’opération militaire qu’il vient de lancer contre le nord de la Syrie et qu’il a baptisée poétiquement : « Printemps de la paix ».
Il n’est pas besoin d’être expert en géopolitique pour remarquer l’inversion des saisons, que le dérèglement climatique ne suffit pas à expliquer, ni la litote qui consiste à évoquer l’idéal de la paix pour faire entendre la réalité de la guerre. Une fois que l’on a compris que la langue utilisée par l’autocrate turc est basée essentiellement sur l’antiphrase, il devient possible de décoder ses déclarations. Ankara a annoncé avoir pour objectif de créer « une zone de sécurité » entre la Turquie et le nord de la Syrie. Il faut donc comprendre que les Turcs veulent faire régner la terreur dans cette région et tenter d’éliminer physiquement ceux qui s’y trouvent actuellement et sont, par le plus grand des hasards, précisément des Kurdes accusés par Erdogan de soutenir la rébellion contre lui, et le PKK qu’il tente d’éradiquer par tous les moyens depuis son accession au pouvoir. Depuis le début du conflit qui l’oppose à l’état islamique, la Turquie a eu comme seul objectif de profiter de l’occasion pour se débarrasser de son opposition, désignée comme ennemi principal, bien avant les combattants de Daesh. Erdogan est prêt à pactiser avec la Russie et l’Iran, à sauver la tête du dictateur syrien, à favoriser la réélection de Donald Trump pour parvenir à ses fins.
Il n’y a évidemment aucun hasard dans le calendrier qui a fait annoncer le retrait des troupes américaines par le président des États-Unis, juste après qu’il a donné le feu vert à la Turquie pour son intervention militaire. Donald Trump a opéré un revirement dont il est coutumier pour tenter d’effacer les effets de sa déclaration qui a soulevé de vives critiques de tous bords, mais il est clair qu’il soutiendra Erdogan dans les faits. Selon lui, ce sont les pays de la zone en question qui doivent « s’en occuper », ce qui, en bon français, signifie « qu’ils se démerdent ! » Comme tout président américain en phase de pré campagne pour sa réélection, son mot d’ordre est « zéro mort » américain sur les théâtres extérieurs. Aucun cercueil recouvert de la bannière étoilée à la descente d’un avion pour ternir l’image du candidat. Tant pis pour le chaos à l’autre bout du monde.