J’assume

Nous voilà rassurés. Que dis-je ? Nous voilà rassérénés ! Au cours de la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le Premier ministre a affirmé avec force qu’il « assumait tout ce qui a été fait dans l’état ». Tout ? Vraiment ? Donc le fait qu’un fonctionnaire de la préfecture de police de Paris ait pu se radicaliser et passer à l’acte en tuant 4 de ses collègues, il l’assume ? Le fait qu’il ait été maintenu dans des fonctions sensibles sans que l’on mette en doute son habilitation au secret défense, il l’assume ?

La cascade d’erreurs et les déclarations improbables de son ministre de l’Intérieur, il les assume aussi ! C’est très courageux de sa part. Cependant, j’ai comme un goût d’inachevé après sa déclaration. Il dit : « j’assume ». Fort bien. Mais on attend la fin de la phrase. J’assume, et… Et, rien ! Pas un mot sur les éventuelles conséquences le concernant après cette petite phrase héroïque. Je ne peux pas m’empêcher de faire la comparaison avec la déclaration d’un autre Premier ministre, battu au soir du premier tour d’une élection présidentielle le 21 avril 2002. Lionel Jospin s’était adressé à la nation en ces termes : « j’assume pleinement la responsabilité de cet échec, et j’en tire les conclusions en me retirant de la vie politique après la fin de l’élection présidentielle ». Je ne sais pas si Édouard Philippe devrait démissionner ou non, comme le demande Marine Le Pen. C’est une affaire entre sa conscience et lui. Il est quand même un peu facile de jouer les grands seigneurs en faisant semblant d’endosser toutes les responsabilités sans que cela change un iota dans l’exercice de ses fonctions.

Sa ligne de défense est en réalité la même que celle de Christophe Castaner : tout est de la faute des subordonnés et des prédécesseurs. Il est juste un peu plus malin en prétendant prendre sur lui les erreurs des autres. Un peu comme son propre patron, pris dans la tourmente de l’affaire Benalla, jouant les victimes expiatoires en s’écriant : « qu’ils viennent me chercher ! » Tout en sachant très bien que son statut de président en exercice le met à l’abri de toute poursuite pendant la durée de son mandat. S’il est vrai que les problèmes actuels trouvent souvent leur source dans des erreurs du passé, les dirigeants ont le droit et le devoir de corriger les errements de leurs prédécesseurs. S’ils ne le font pas, ils s’en rendent complices et solidaires. Dire que l’on assume ne devrait pas être une preuve de courage, mais la simple application d’une règle qui veut que l’on soit jugé à l’aune de ses actes et que la confiance de ses contemporains se mérite, à tous les instants.