Réconciliation

C’est le terme utilisé récemment par le président Macron en évoquant les séquelles des crises qui ont marqué les derniers mois de son quinquennat, notamment les multiples questions soulevées par les gilets jaunes auxquelles il a cru apporter des réponses en s’appuyant sur les débats organisés avec l’aide d’une minorité qui lui est restée favorable. Le mot n’est peut-être pas si bien choisi que cela. Il m’a évoqué immédiatement une étape dans une procédure bien particulière : l’audience de conciliation, destinée à vérifier que les deux époux sont bien décidés à se séparer, ce qui se traduit par une ordonnance de non-conciliation.

Et si, au fond, ce choix apparemment malheureux traduisait tout simplement une forme de désamour entre les Français et celui ou ceux qui sont chargés de les gouverner. Le pouvoir semble en avoir pris conscience, qui propose de soumettre à concertation le projet issu du rapport Delevoye sur la réforme des retraites. Comme si toute la démarche qui a abouti à ce fameux rapport, et dont on nous avait vanté les mérites, en particulier son caractère démocratique, était invalidée de fait, et considérée comme nulle et non avenue. C’est reconnaitre implicitement que les consultations précédentes n’avaient été que de pure forme. Les agriculteurs avaient-ils été invités à donner leur avis sur les traités commerciaux, objets de leurs critiques les plus vives, et dont ils tiennent les députés de la majorité pour responsables ?

Il parait aller de soi que de nouveaux élus aient comme unique objectif de chambouler tout ce qu’ont fait leurs prédécesseurs et de « réformer » à marches forcées. Les campagnes électorales se passent à vanter des modifications principalement inspirées par la recherche d’un libéralisme économique pur et dur, nuancées parfois par des avancées sociétales. Et dès l’instant où les élus de fraîche date, sûrs de leur bon droit, se mettent en demeure de promouvoir ces fameuses réformes, elles soulèvent instantanément des objections et souvent des oppositions d’une grande partie de la population qui s’aperçoit de tout ce qu’elle va y perdre. Le paradoxe n’est qu’apparent. Il suffit de mobiliser une faible fraction de l’électorat, de 20 à 25 % des votants, soit un gros 15 % des inscrits et encore moins de la population totale en âge de voter, mettons 10 %, à la louche, pour passer le premier tour, celui où l’on recueille une certaine adhésion à ses propositions. Le jeu du vote utile fait le reste. Et c’est grâce à l’onction du suffrage universel, prêt à porter un Mateo Salvini au pouvoir en Italie, que les citoyens d’en bas ont le sentiment confus, mais bel et bien fondé, de s’être fait avoir.