Vous vous attendiez à quoi ?

Je reprends ce slogan destiné à vendre une boisson pétillante légèrement acidulée, Schweppes, pour la nommer, bien que je ne perçoive pas un centime pour ce placement de produit que je ne consomme pratiquement jamais par-dessus le marché, car il me parait illustrer la réception du démocrate sincère actuellement à la tête du pays des tsars par le président français dans sa résidence d’été à Brégançon. Rappelons, pour mémoire, que Wladimir Poutine est persona non grata au sommet du G7 en raison notamment de l’annexion de la Crimée et autres peccadilles du même tonneau.

Or, depuis Shakespeare, chacun sait que pour dîner avec le diable, il vaut mieux se munir d’une très longue cuillère, sous peine de se roussir la moustache. On voit très bien quel est l’intérêt de l’autocrate russe à se faire admettre de façon détournée au concert des nations dont il a été exclu par ses turpitudes. Toute la stratégie russe depuis l’accession au pouvoir de l’ancien chef des services secrets consiste à démontrer que la capacité de nuisance de son pays est restée intacte bien qu’il ait dû renoncer au statut de superpuissance parlant d’égal à égal avec les États-Unis. De son côté, après avoir échoué à tordre le bras de Donald Trump en essayant de lui broyer les phalanges, Emmanuel Macron ne dédaigne pas une occasion de montrer qu’il fréquente les puissants de ce monde à défaut d’en être un lui-même. Au bout du compte, aucun des deux interlocuteurs n’attend de résultat concret à la rencontre, il leur suffit qu’elle ait eu lieu, et que les photographes aient pu immortaliser la poignée de main que l’on aura oubliée demain.

Il existe toutefois un écueil sérieux dans ces rencontres de troisième type, et ce sont les sujets qui fâchent. Autrefois, la tradition voulait qu’on les évite soigneusement pour ne pas risquer la crise diplomatique, l’invité ayant comme seul choix de claquer la porte ou d’avaler son chapeau. De nos jours, il est devenu de bon ton de dire son fait au chef d’État adverse, afin de s’en prévaloir aux yeux de son opinion publique, qui ne comprendrait pas désormais que l’on reçoive Kadhafi sans lui parler des crimes de l’état libyen. Je pense que le petit doigt de Wladimir avait dû le prévenir des allusions perfides à la situation avec l’Ukraine que ne manquerait pas de glisser Emmanuel dans la conversation, car sa réponse était visiblement toute préparée. Il a donc fallu que la France se fasse critiquer sur sa gestion de la crise des gilets jaunes par le potentat qui interdit les manifestations à Moscou et emprisonne les opposants qui auraient l’outrecuidance de vouloir se présenter aux élections, quand il ne les interdit pas de séjour ou même pire. Merci qui ? Merci Manu !