Goguenard
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 17 août 2019 10:44
- Écrit par Claude Séné
Je ne saurais pas vous expliquer exactement pourquoi, mais c’est l’adjectif qui m’est venu spontanément pour qualifier l’air, le sourire, la mimique et la posture du président de la République apparaissant en tenue décontractée, mais avec ses dossiers sous le bras pendant ses vacances à Brégançon. C’est d’ailleurs l’impression qu’il dégage assez souvent, avec sa mine de premier de la classe légèrement amusé et imbu de sa supériorité. Ce n’est sans doute pas voulu, mais il l’a tellement intériorisé que cela devient une seconde nature, tant et si bien que vous l’étonneriez probablement en lui disant que vous le trouvez condescendant. (En un seul mot, hein, je ne veux pas être suspecté d’outrage à personne dépositaire de l’autorité.)
Comme je me méfie de mes intuitions, je suis allé vérifier la signification de ce mot, afin de ne pas l’utiliser à contre-emploi, et le champ lexical auquel il est associé correspond assez bien à l’idée que je m’en faisais. Vous n’avez que l’embarras du choix, entre moqueur et narquois, gouailleur ou malicieux, railleur et ironique, persifleur et sarcastique, voire sardonique. Je vous épargne le caustique et le cynique, qui ne sont pourtant pas loin. En un mot comme en cent, on pourrait résumer la situation en disant que le président donne l’impression de se payer la tête des gens, et que ça commence à se voir. L’étymologie de ce terme, comme souvent, ne laisse pas de nous éclairer, puisque goguenard vient de l’ancien français « gogue », qui signifie plaisanterie. Eh oui, le même mot qui a donné goguette, mais aussi, et c’est plus surprenant, les goguenots, fréquemment abrégés en « gogues » de nos jours, qui désignent les pots de chambre, les vases de nuit ou les lieux qui sont destinés à cette activité salutaire, parfois désignés également sous le terme de cabinets d’aisances, peut-être parce qu’on y prend à son aise.
Je me garderai bien de tirer des conclusions hâtives sur ce fâcheux voisinage, qui pourrait laisser penser que la politique mise en œuvre par notre dirigeant suprême aurait tendance à précipiter de plus en plus les sujets de sa royale présidence vers les lieux prévus à cet effet en leur inspirant des réflexions scatologiques. Mais je voudrais dissiper une possible confusion avec un autre vocable, voisin phonétiquement : le gogo. Contrairement aux apparences, le gogo, dont on se moque pourtant facilement, n’a peut-être pas la même origine. Il s’agit d’un nom propre, si j’ose dire, tiré d’une pièce du 19e siècle, mais on retrouve l’expression « à gogo » dès le 15e siècle. Bref, un président goguenard ne se maintient que grâce aux gogos qui l’écoutent. La leçon vaut bien un fromage, sans doute.
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