Tout est dans le « mais »

Vous connaissez cela par cœur : « je ne suis pas raciste, mais je n’aimerais pas que ma fille épouse un noir » en est l’archétype. C’était le sujet de l’éditorial des survivants de Charlie Hebdo dans le premier numéro post attentats de Paris. Ils se doutaient déjà de ce qui n’allait pas manquer d’arriver. Qu’on allait dire qu’ils étaient allés trop loin, que d’une certaine façon, ils l’avaient bien cherché, que la liberté d’expression était sacrée, mais qu’elle ne permettait pas de dire tout ce qu’on voulait et qu’elle devait s’effacer devant les convictions religieuses.

 

Autant décréter immédiatement que la liberté d’expression est un droit, mais purement théorique, et qu’il n’est pas question de l’exercer. Libre aux tenants d’une religion qui se sentiraient offensés par des propos ou des représentations blasphématoires de porter plainte et de laisser une justice indépendante des pouvoirs religieux trancher les différends qui pourraient en résulter. L’énorme émotion qui s’est manifestée en France le 11 janvier a pu laisser penser que cette position était acquise, mais les évènements récents au Danemark ont démontré combien la liberté en question était fragile.

Ironiquement, l’attaque contre le centre culturel de Copenhague qui présentait une conférence sur le thème « art, blasphème et liberté d’expression » s’est déclenchée à l’instant précis où Inna Schevshenko, fondatrice des Femen, disait que nous avions l’impression de cette liberté, mais qu’elle était illusoire. L’histoire lui donne raison. Après Mohammed Mérah à Toulouse, Mehdi Nemmouche à Bruxelles, les frères Kouachi et Amedy Coulibaly à Paris et à présent Omar Hamid El-Hussein à Copenhague, le doute n’est plus permis. Que ce soient des « loups solitaires » ou des membres d’organisations terroristes, leur menace s’étend sur l’ensemble du monde occidental.

Ce qui fait froid dans le dos, c’est que leurs actions extrêmes trouvent place dans un terreau d’intolérance et de fanatisme qui se développe un peu partout. Je mets à part la profanation du cimetière juif de Sarre-Union, qui peut être imputée à l’ignorance et la bêtise revendiquées par les cinq jeunes de 15 à 17 ans qui ont été mis en cause. Mais les réactions de certains Danois approuvant les attentats et considérant le terroriste comme un héros m’ont laissé sans voix. Encore un énorme « mais », comme une tache brune sur le royaume du Danemark où l’on ose espérer que tout n’est pas pourri.