Charité

Charité bien ordonnée commence par soi-même selon le dicton. Vous serez donc heureux d’apprendre que l’homme le plus riche de la terre, Bill Gates, prévoit, avec sa femme Melinda, que d’ici à 2030 la vie des pauvres va s’améliorer plus qu’à toute autre époque de l’histoire. Mais, rassurez-moi, sa fortune personnelle ne va pas diminuer pour autant ? Non ? Ah ! Vous m’avez fait peur.

 

C’est simplement que le patron de Microsoft et madame, qui ne savent plus quoi faire de leurs excédents de trésorerie, ont créé leur ouvroir sous la forme d’une fondation qui distribue leur argent superflu dans les pays où la misère est la plus noire pour échapper aux impôts. Entendons-nous bien. Ces dépenses sont utiles. Le problème c’est qu’elles reposent sur la bonne ou la mauvaise volonté d’un mécène, qui dispose d’un pouvoir de vie et de mort sur des populations entières sans autre légitimité que son sens des affaires. Non sans une pointe d’humour involontaire, Melinda Gates affirme que les ONG peuvent montrer la voie, mais seuls les gouvernements peuvent travailler sur une grande échelle dans la lutte contre la pauvreté.

Ce qui est en cause, c’est tout un système dans lequel, à supposer que le sort des pauvres s’améliore un peu, les inégalités ne font que croître et embellir. Un seul exemple, mais éclairant : la fondation Gates imagine que des semences résistantes à la sécheresse permettront aux agriculteurs africains de produire plus de nourriture. Soit. Mais ce sera aussi pour le plus grand profit de Monsanto. Un deuxième pour la route ? Puisque vous insistez. La mortalité infantile va reculer grâce à des vaccinations massives. Fort bien. Moyennant quoi les grands laboratoires pharmaceutiques continueront de s’enrichir scandaleusement. Inutile de développer. Dans le « charity business » le mot important, c’est business.

Les 400 plus grosses fortunes mondiales ont encore gagné plus de 92 milliards de dollars en 2014, une hausse de 2.3 %, presque dérisoire après les 500 milliards que s’étaient partagés 300 milliardaires en 2013. On estime déjà que 1 % de la population possède plus de richesses que les 99 % restants, et le phénomène ne peut que s’amplifier mécaniquement si rien n’est fait pour le contrecarrer. Au moment où les plus riches et plus influents personnages de l’économie sont réunis à Davos, il serait illusoire de penser qu’ils vont joyeusement se mettre à scier la branche sur laquelle ils sont assis au lieu de jeter les miettes du festin aux gueux d’en bas, comme font les Gates.