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Pendez les blancs
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 28 septembre 2018 10:35
- Écrit par Claude Séné
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Ou comment faire d’un minuscule écrivaillon un ennemi public numéro un ? L’homme par qui le scandale est arrivé s’appelle Nick Conrad. Originaire de Noisy-le-Grand, il végète dans la musique et le rap et mène une carrière confidentielle sur les réseaux sociaux. Le moindre adolescent boutonneux auteur d’un tuto débile recueille plus de vues que lui sur YouTube. Jusqu’à ce qu’il écrive et interprète dans un clip ultra-violent un morceau provocateur dans lequel il appelle au meurtre des blancs. Et encore, le clip vidéo sorti début septembre passe presque inaperçu, malgré la promotion inespérée fournie par un certain Dieudonné.
Il faudra l’intervention de la « fachosphère » pour que la mayonnaise prenne enfin sur les réseaux sociaux. Quelques dénonciations du « racisme anti-blanc » plus loin, et la chanson devient enfin une affaire d’État. Le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, demande des poursuites judiciaires, cependant que le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, et le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, se fendent d’une réaction officielle. Du côté du Rassemblement national, c’est pain béni pour Marine Le Pen qui peut justifier ses positions de victime des activistes noirs. Quant au rappeur, il affirme avoir été mal compris. Il aurait poussé le bouchon très loin pour montrer combien le sort réservé aux noirs, pardon, aux renois, était injuste et insupportable. Pour être mal compris, il a été mal compris, c’est vrai. Il n’avait sûrement pas imaginé que son texte servirait de prétexte à des bagarres idéologiques sans commune mesure avec sa médiocre facture.
Ce n’est pas le premier, ni sans doute le dernier, à se lancer dans une surenchère verbale pour se démarquer du commun, depuis NTM, qui a fait oublier le sens des initiales de « nique ta mère » jusqu’à Orelsan, devenu fréquentable grâce au succès de ses morceaux. La pierre de touche c’est quand même le talent, et ce n’est pas le fait d’être monté en épingle et instrumentalisé par diverses factions qui va en donner à Nick Conrad. Si l’on en croit le rappeur, il aurait suivi l’inspiration qui a donné en négatif la chanson inoubliable de Billie Holiday, « Strange fruit » dans laquelle elle dénonçait les pendaisons sommaires infligées aux noirs dans le Sud profond et qui servaient de distraction aux colons blancs qui les exploitaient. Un chant qui renvoyait lui-même à François Villon et sa fameuse Ballade des pendus ou au poème de Théodore de Banville, mis en musique par Georges Brassens sous le titre « le verger du roi Louis ». N’est pas Spike Lee qui veut, et les oubliettes de l’histoire, telles celles du roi Louis XI, ne sont jamais très loin.