Pas comme les autres…

Entre « l’École des Femmes » et « les Femmes Savantes », en 1665 Molière écrit « Dom Juan ».

Ce dernier est le personnage principal de cette comédie, pourtant Molière a fait une place à un portrait de femme qui tranche sur toutes ses autres héroïnes.

En effet, Elvire est le portrait de la seule femme noble abandonnée, trahie par Don Juan qui, à peine marié, la trompe avec tout ce qui porte jupon. Elle représente l’innocence humiliée et bafouée, elle dépasse sa fragilité en se tournant vers la foi dont elle présente une image pure et sincère. Avec notre vocabulaire moderne, on dirait d’elle qu’elle fait preuve de résilience en dépassant sa colère, elle souhaite la rédemption de Don Juan.

En renonçant au monde et se tournant vers la piété, elle est plus un personnage dramatique proche des héroïnes raciniennes que je me propose de rencontrer très bientôt qu’un pur personnage de comédie.

Pas comme les autres non plus, les autres figures féminines illustrées par les servantes, toutes présentes dans chaque pièce de Molière.

Au-delà de leurs fonctions traditionnelles de s’occuper des ménages, de l’entretien des maisons bourgeoises, elles sont bien sûr un argument technique indispensable, avec leurs homologues masculins les valets, pour faire avancer les intrigues, mais Molière leur attribue des personnalités marquées, toujours positives, montrant son intérêt pour une classe sociale autre que bourgeoise ou noble.

Souvent confidentes, elles sont fidèles à leur maître ou à leur maîtresse, attentionnées et décidées, ce sont des personnes de confiance. De Toinette, servante du « malade imaginaire », à Dorine, servante du « Tartuffe », on retrouve des personnages qui expriment le bon sens populaire, faisant preuve d’audace, se permettant de tenir tête à leur employeur avec souvent beaucoup d’humour.

À travers ces portraits, même si son regard est parfois sarcastique ou critique, après tout qui aime bien châtie bien, pardonnant leurs défauts, l’affection et le respect de Molière pour les femmes est constant, constant aussi à contre-courant de son époque, son soutien dans leur désir d’émancipation.

 Agnès l’ingénue, Cathos et Madelon les précieuses, Philaminte et Armande les savantes, Célimène la coquette, Arsinoé la prude, Elvire la généreuse dévote, laquelle est la plus chère au cœur de Molière ?

Difficile de répondre, et s’il les aimait toutes, chaque femme ayant peut-être un peu de chacune à la fois !

Après avoir souri en retrouvant les comédies classiques, rafraîchissant un peu des connaissances lointaines mais encore vivantes, les prochains billets seront plus graves avec les héroïnes des tragédies classiques de Racine et Corneille.

L’invitée du dimanche