Le sens de l’honneur
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 2 janvier 2015 10:31
- Écrit par Claude Séné
Ne cherchez pas mon nom dans la liste des 691 décorés de la Légion d’honneur de la première fournée de médaillés en 2015, vous ne le trouverez pas. Non pas parce que j’ai refusé d’y être, la rosette, contrairement à une idée reçue, ne se demande pas, mais parce que cette distinction est attribuée à des personnes ayant mis au service de la France des mérites éminents à titre civil ou militaire.
Dans un sens, c’est dommage. Cela m’aurait permis de décliner cet honneur avec élégance comme l’économiste Thomas Piketty. À première approche, on pourrait croire que c’est par modestie, comme l’avait fait Bernard Pivot avant lui, mais il semble en réalité faire preuve d’une fatuité et d’une prétention extrême en refusant aux politiques la qualité de juger qui mérite d’être distingué ou non. Sous-entendu, je suis quelqu’un d’infiniment estimable, mais ce n’est pas à vous d’en juger. Et à qui alors ?
Cette position pourrait se comprendre s’il refusait le principe même des décorations, ces hochets avec lesquels Napoléon déclarait mener les hommes. Je le soupçonne plutôt de ne pas apprécier à leur juste valeur certains de ses compatriotes qui ont obtenu, et accepté, la récompense. Pourtant, n’est-ce pas un honneur suprême que de voir son nom accolé à celui d’une immense actrice, que le monde entier nous envie, au point que l’on regrette de ne pas pouvoir la leur prêter plus souvent, j’ai nommé l’incomparable ange gardien de nos longues soirées d’hiver, la célébrissime Mimie Mathy ? Il est vrai que les mérites éminents sont parfois difficiles à établir. En quoi l’infirmière volontaire de MSF qui a contracté Ebola en soignant des patients au Libéria et en a fort heureusement guéri, est-elle plus méritante que ses collègues qui n’ont pas eu la malchance d’être contaminés ? Les militaires tués au combat sont eux aussi systématiquement décorés sans que rien ne les distingue de leurs compagnons d’armes qui s’en sont sortis.
Vous l’aurez compris, je ne suis pas un grand fan de cette Légion d’honneur qui voit se côtoyer héros authentiques, personnalités remarquables et « people » très ordinaires. Je terminerai par cette citation attribuée à Surcouf qui répondait à un capitaine anglais lui reprochant de combattre pour de l’argent quand il le faisait pour l’honneur : « chacun se bat pour ce qui lui manque le plus ».