Un prophète

Comme chacun le sait, nul n’est prophète en son pays. C’est donc une amusante coïncidence que ce soit aux alentours de Noël, la fête de la nativité du prophète le plus célèbre, avec Mahomet, des religions révélées, que Manuel Valls a été désigné homme de l’année par le quotidien espagnol El Mundo. Comme disait Coluche, c’est nous qu’on a les hommes politiques français les plus balèzes, du monde.

 

Le fait que le premier ministre soit d’origine espagnole, et même catalane, a sans doute joué un rôle dans le choix du journal ibère. Ce qui est inquiétant, de mon point de vue, c’est que El Mundo est un journal de droite et que son poulain national, Mariano Rajoy, mène une politique très libérale et pour tout dire réactionnaire, dont les Espagnols commencent à juste titre à se lasser. La dernière fois que le prix a été décerné à un Français, c’était en 2007 et c’était un certain Nicolas Sarkozy qui l’avait décroché. De là à parler de continuité, ce serait peut-être exagéré, mais de proximité, sans doute, et c’est bien gênant pour un dirigeant qui se revendique du socialisme sans en apporter la preuve flagrante.

Pour bien enfoncer le clou, Manuel Valls a accordé une interview au journal, histoire de renvoyer l’ascenseur, dans laquelle il nous promet, en substance, du sang et ses larmes pour plusieurs années encore. C’est trop gentil de sa part. Il faut peut-être qu’il prenne garde à ne pas provoquer un scénario à la grecque. À force d’ingurgiter la potion amère concoctée par le FMI, la banque centrale européenne et la commission européenne, le malade grec est en passe de mourir guéri. Au point que les députés, craignant l’ire de leurs électeurs, ont finalement provoqué la chute du gouvernement Samaras et la tenue de législatives anticipées, qui pourraient porter au pouvoir Alexis Tsipras, le dirigeant de la coalition de gauche Syriza, un peu l’équivalent de Jean-Luc Mélenchon en France. Tsipras demande un moratoire sur les dettes, la hausse du salaire minimal, etc. et devinez quoi ? Près de 30 % des Grecs ont l’air d’être d’accord avec lui. À méditer pour le gouvernement français.