Incluons !
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 24 novembre 2017 10:36
- Écrit par Claude Séné
Si vous y tenez tant, pratiquez donc l’écriture inclusive. Celle où l’on s’ingénie à rendre totalement illisibles des formulations qui pourraient être à la fois simples et fémininement correctes. Quand on pourrait dire et écrire par exemple « mesdames les députées, messieurs les députés », je ne vois pas bien ce que l’on gagne à écrire « mesdames et messieurs les député. e. s », à part quelques secondes et un peu d’encre. Un avantage immédiatement annulé par le fait qu’à l’oral, cette distinction est complètement inaudible.
Je m’attends d’ailleurs à ce que l’imagination débordante de la génération deux points zéro invente un signe visuel destiné à indiquer que l’on respecte la nouvelle convention typographique, à la manière dont certains dessinent des guillemets avec leurs doigts quand ils les confondent fautivement avec « entre parenthèses », ce qui est, avouons-le, assez croquignolesque. Cela dit, je ne serai pas de ceux qui refusent que la langue française s’adapte à la réalité d’une reconnaissance grandissante du rôle des femmes dans la société. Encore faut-il pour commencer que l’égalité des sexes progresse dans la réalité quotidienne. Si l’on supposait l’existence d’un gigantesque complot phallocrate qui chercherait par tous les moyens à conserver son pouvoir, nul doute qu’il aurait intérêt à lâcher du lest sur la grammaire du moment qu’il conserve tous les autres privilèges. À quoi bon arracher le titre de « cheffe de projet » si l’on continue à être payé en moyenne 20 % de moins que son homologue masculin et ne pas pouvoir accéder aux plus hautes fonctions ? Étant moi-même de sexe masculin, je reconnais volontiers que je ne suis pas le mieux placé pour juger de la pertinence de certains combats, qui me paraissent mineurs, quand ce n’est pas carrément dérisoires. En l’occurrence, la mode de l’écriture inclusive me semble un peu artificielle, voire fabriquée par des élites, et assez éloignée du quotidien des femmes en général, qui se heurtent à des obstacles bien plus significatifs.
La parole qui s’est libérée sur les agressions ou le harcèlement à caractère sexuel démontre avec force où les femmes mettent leurs priorités. Une lutte autrement plus importante, dans laquelle on ne peut que les soutenir. Les inégalités liées au genre sont légion, que ce soit dans le domaine du travail, celui de la politique ou de l’organisation de la cité. Alors, que l’on bannisse des bêtises comme la règle qui formule que le masculin l’emporte sur le féminin, qui induit un jugement de valeur là où l’on n’a besoin que d’une convention orthographique, je veux bien, mais je ne vois pas l’intérêt de s’écharper sur des vétilles en laissant les points importants dans un statu quo néfaste.
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