On marche sur la tête

À force de chercher des majorités de raccroc, on se doutait que le « bloc central », selon une expression qui ne semble plus recouvrir une véritable force politique, finirait par rassembler contre lui une opposition de circonstance sur des sujets où la doctrine n’est pas absolument claire. Le péril le plus évident, celui du vote de la censure du gouvernement, n’a pour l’instant pas débouché sur une crise politique ouverte, mais il reste en suspens et peut surgir à tout moment pour arbitrer les conflits latents entre les catégories sociales, qui resurgissent sous forme de diverses manifestations plus ou moins virulentes.

On s’attendait, depuis la scission du parti Les républicains, à un rapprochement entre la droite classique et la droite populiste du Rassemblement national, mais je n’avais pas vu venir le vote à l’Assemblée nationale de la suppression des Zones à faibles émissions par une coalition improbable où les députés de La France insoumise viendraient soutenir et compléter un front ne partageant que l’hostilité à cette mesure jugée inégalitaire. Ce vote laisse présager des décisions imprévisibles sur tous les sujets. Dans le même esprit, si la loi sur les soins palliatifs a été adoptée sans surprise en première lecture, la partie sur le droit à l’aide à mourir a également obtenu une large majorité plutôt inattendue. Si je m’en réjouis sur le fond, je m’inquiète de la volatilité de l’opinion sur les sujets de société. La question ne devrait être tranchée définitivement qu’au bout de 2 ans de procédure. Largement de quoi changer plusieurs fois d’avis.

Un peu comme cette fameuse autoroute controversée qui devait relier Castres à Toulouse pour faire gagner quelques minutes aux automobilistes pressés moyennant finances. Alors que le chantier avait été démarré sans attendre l’épuisement des recours possibles, un arrêt du tribunal administratif de Toulouse a suspendu les travaux le 27 février dernier. Mais la cour d’appel a prononcé un sursis à exécution, permettant aux entreprises de reprendre le chantier. Ce qu’elles ont prévu de faire le 15 juin, avant même que le tribunal ait pu statuer sur le fond du dossier, qui pourrait se traduire par un arrêt définitif, faute d’une raison impérative d’intérêt public majeur, même si les travaux déjà achevés à 60 % environ étaient terminés entre temps. Le mal est fait sur le plan écologique. Les dépenses sont engagées en presque totalité. Il faudrait dépenser encore beaucoup d’argent pour réparer les dégâts et des intérêts privés sont visiblement en jeu. Bref, il n’existe plus de bonne solution pour préserver un environnement conforme à l’intérêt général. Un tel fiasco signe le désintérêt profond du pouvoir actuel pour l’écologie, et l’échec d’une politique dominée par l’économie. Ce pouvoir n’a plus de boussole, ce qu’a exprimé à sa manière la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, qui estimait dernièrement que le macronisme ne survivrait pas au président.