Le monde est mondial

Oui, je sais, c’est un truisme, mais une évidence a parfois le mérite de rappeler une vérité que l’on aurait tendance à négliger. En l’occurrence, elle me servira à illustrer une situation qui revient en force dans l’actualité avec la déclaration du ci-devant ministre de l’Intérieur, j’ai nommé le contre-révolutionnaire Bruno Retailleau, qui annonce à grands coups de trompe qu’il va de toute urgence faire voter une 31e loi sur l’immigration pour corriger la précédente, adoptée il y a moins d’un an et dont les décrets d’application n’ont même pas eu le temps de sortir, après que plusieurs de ses dispositions aient été abrogées par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme.

C’est que déjà à cette époque, quand les amis de Mr Retailleau étaient officiellement dans l’opposition, ils avaient introduit subrepticement des dispositions anti-immigration dans un texte sans rapport avec elles, ce qui avait permis à la majorité relative de l’époque de les voter en sachant pertinemment qu’elles seraient censurées. En remettant l’ouvrage sur le métier, la droite qui a accédé au gouvernement escompte une majorité de circonstance qui s’appuierait sur une opinion publique favorable au repli frileux sur soi selon certains sondages. Cette attitude égoïste, qui mélange et stigmatise tous les candidats à l’immigration, ne permet pas de traiter convenablement les flux migratoires qui dépassent largement le cadre de nos frontières. Nous ne voyons qu’une toute petite partie des mouvements de population réels, par exemple lorsque des malheureux risquent leur vie pour tenter de traverser la Manche dans des conditions souvent effroyables. Ce n’est fréquemment que la dernière étape d’un périple qui les a vus traverser mers, déserts ou continent tout entier.

Sur ce sujet, je vous recommande, si vous ne l’avez déjà vu, le film de fiction « moi, capitaine » qui retrace de façon réaliste les épreuves qui ont précédé l’ultime traversée. Comment peut-on espérer que des personnes qui ont réchappé à une mort presque certaine vont s’arrêter en chemin, pour préserver le petit confort des pays dans lesquels ils ne font souvent que passer, avec l’espoir fou de rejoindre famille ou amis qui ont réussi l’exploit avant eux ? La destination de ces trompe-la-mort est la plupart du temps l’Angleterre, ou l’Europe du Nord, qui s’efforce de les refouler à ses frontières, mais le point d’entrée est généralement l’Italie, dont la Première ministre a passé des accords avec l’Albanie pour externaliser le traitement des dossiers des demandeurs d’asile. Un dispositif qui intéresse visiblement le Premier ministre anglais, bien que travailliste, alors qu’un projet similaire avec le Rwanda a été finalement abandonné. Les arrière-pensées xénophobes de ces dispositifs ne doivent pas nous faire oublier que les solutions à un problème planétaire ne peuvent provenir que d’accords à la même échelle. La question de l’immigration en France ne saurait se résumer à une course à l’échalote entre Marine Le Pen et Bruno Retailleau.