Gérer l’état comme un ménage

Cette fois, nous y sommes. Avec la présentation du projet de budget devant le Conseil des ministres, nous sommes rentrés dans le vif du sujet. Jamais l’expression n’aura d’ailleurs mérité à ce point son nom, tant les coupes annoncées évoquent expressément une opération chirurgicale. Un des budgets les plus sacrifiés est en effet celui de l’éducation, pour lequel on peut véritablement parler de saignée, cette médication obscurantiste supposée soigner toutes les maladies, permettant essentiellement aux patients de mourir guéris. Depuis plusieurs années, les gouvernements prétextaient la baisse démographique pour supprimer des postes en grand nombre. Dans le budget 2025, la ministre devra « rendre » 4 000 postes, principalement dans l’enseignement maternel et primaire.

Du jamais vu, et qui se traduira sur le terrain par des classes surchargées et des absences non remplacées. En effet, dans notre administration centralisée, les décisions se prennent tout en haut, sans véritable concertation avec les acteurs locaux, qui doivent se débrouiller avec ce qu’on leur impose. À la façon d’une ménagère qui ne dispose que de revenus limités, l’état répartit ses ressources dans des enveloppes, en commençant par les courses, l’alimentation, et ainsi de suite. Mois après mois, année après année, plusieurs enveloppes sont vides bien avant d’avoir touché la paye suivante. L’état fait pareil. Le budget de l’éducation nationale va rester à peu près stable en 2025, ce qui signifie qu’il baisse en euros constants du fait de l’inflation, et d’une compensation minimale sur les salaires des fonctionnaires. Seule solution, le non-remplacement des enseignants partant en retraite, dans des proportions variables, le principe étant celui du système D, plus on monte dans la hiérarchie, moins on veut savoir ce qui se passe dans les soutes du navire France.

Avec tout ça, on attend de l’état qu’il gère son budget « en bon père de famille », avec toute la prudence requise pour éviter les placements hasardeux. Ouiche ! en guise de placement, il doit surtout et avant toute chose, s’acquitter de ses nombreux crédits hérités du passé et rembourser la dette qu’il a contribué à créer en creusant gaiement le déficit public en période de vaches moins maigres. C’est donc un budget de bric et de broc, caractérisé par des rabotages et quelques mesures tentant d’accréditer une recherche de justice fiscale qui ne tromperont personne, que le Premier ministre va soumettre au Parlement. Faute de majorité, il sera très probablement obligé d’engager sa responsabilité et celle de son gouvernement en vertu de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution, autant de fois que nécessaire. Comme pour la première motion de censure déposée par le Nouveau Front populaire sur la déclaration de politique générale, son sort sera entre les mains du Rassemblement national, qui semble peu pressé de le renverser.