Ordre nouveau

À peine nommé, le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a cherché à marquer son territoire en se posant en ardent défenseur de l’ordre, au singulier, comme s’il ne pouvait y en avoir qu’un seul, le sien, naturellement. En répétant à trois reprises que son objectif était de « rétablir l’ordre » en présence de son prédécesseur, il a semblé insinuer que Gérald Darmanin avait laissé la France dans un état de désordre préjudiciable et qu’il allait devoir, tel Hercule, nettoyer les écuries d’Augias. Pour les citoyens attachés aux libertés républicaines, qui sont menacées tous les jours depuis belle lurette du fait des instructions données par les ministres successifs, ce n’est pas une bonne nouvelle et cela nous promet une aggravation de la répression policière, déjà intense.

Ce slogan en rappelle un autre, celui de Donald Trump, qui promet aux petits blancs qui forment le gros de ses partisans, de rendre à l’Amérique sa grandeur d’antan. Cet ordre dit nouveau est en réalité un ordre réactionnaire, héritier de celui qui, entre 1970 et 1973 a représenté l’extrême droite, après la dissolution du mouvement Occident, et avant la création du Front National, puis du Rassemblement national. Les militants de ce mouvement, symbolisé par la croix celtique, en compagnie de la branche estudiantine connue sous l’acronyme du GUD (groupe union défense) passaient leur temps à faire le coup de poing contre les antifascistes dans une conception toute personnelle de l’ordre républicain. Le ministre de l’Intérieur, aujourd’hui membre des Républicains, n’est pas totalement étranger à cette mouvance puisqu’il a commencé sa carrière politique aux côtés de Philippe de Villiers, autre « démocrate sincère » dont il fut le suppléant aux législatives de 1993, avant de lui succéder en 1994 puis de se faire élire sénateur.

Quand Bruno Retailleau invoque l’ordre, il faut comprendre l’ordre établi, supposé immuable, rétif à tout progrès social, le genre d’ordre tout-à-fait compatible avec un pouvoir autoritaire, qui s’accommode parfaitement d’un régime dictatorial de pouvoir personnel, dans lequel les libertés individuelles passent au second plan au profit d’un maintien de l’ordre à n’importe quel prix. Il n’aura pas tardé à faire des déclarations exprimant ses options sur les sujets sensibles, qui démontrent surtout des tentations xénophobes à peine déguisées, en supprimant par exemple l’aide médicale d’état. Fort heureusement, le ministre de l’Intérieur de dispose pas des pleins pouvoirs, et la plupart des mesures néfastes qu’il semble vouloir proposer ne pourront pas franchir l’obstacle de l’Assemblée nationale, où son parti est ultra minoritaire. Il n’empêche. Le symbole du retour d’une droite pétainiste, portée sur les fonts baptismaux par les nostalgiques de l’OAS, a de quoi inquiéter et n’est pas de bon augure pour les prochaines échéances.