Va, je ne te hais point

Cette réplique de Chimène à Rodrigue, extraite de la pièce de théâtre le Cid de Pierre Corneille (acte III scène 4) est connue pour être un exemple d’une figure de style, la litote. Ce procédé consiste à dire peu pour faire entendre beaucoup. En réalité, Chimène est amoureuse de Rodrigue, mais les usages de la société de l’époque l’empêchent de lui dire directement la vérité, en déclarant sa flamme. De nos jours, un langage de ce type, fleuri de rhétorique, apparait comme l’apanage d’une classe sociale, généralement d’un certain âge, et doté de revenus plutôt confortables.

Le Premier ministre, fraîchement nommé par Emmanuel Macron, et qui tente de constituer un gouvernement acceptable par des députés de bords souvent inconciliables, appartient à cette caste que l’on peut qualifier de « vieille France », et il s’exprime dans un langage châtié, assez éloigné de celui qui est utilisé dans la vie courante. Ce qui ne doit pas déplaire au président de la République, qui aime à émailler son propos d’expressions désuètes malgré son âge loin d’être canonique. Michel Barnier a commencé à dévoiler quelque peu ses orientations, notamment en matière budgétaire, et ses déclarations m’ont paru un brin emberlificotées. Il a employé à plusieurs reprises l’expression « je ne m’interdis pas », dans le sens apparent d’un choix qu’il faudrait déduire du sens négatif qui lui est accolé, pour en faire une proposition positive. C’est ainsi qu’il a répété « qu’il ne s’interdisait pas une plus grande justice fiscale ». On peut en inférer qu’il envisage de modifier la fiscalité, mais il pourra toujours dire qu’il n’a pris aucun engagement précis si les circonstances l’y amènent.

Vous me direz, à juste titre, qu’il s’agit d’une litote à l’envers, puisque Michel Barnier sous-entend beaucoup pour peut-être ne rien faire. Il faut lire entre les lignes. Le précédent ministre de l’économie, Bruno Le Maire, suivant en cela le mantra présidentiel, avait exclu officiellement toute hausse d’impôt, alors que les finances de l’état sont dans le rouge et qu’il faudrait réduire la dette pour être dans les clous de l’Union européenne, sans réduire les dépenses des services publics. Une équation difficile, et peut-être impossible, dont Michel Barnier envisage apparemment de sortir. Mais il lui faut préparer les esprits à une hausse des impôts, toujours impopulaire. Il met donc en avant la notion de justice fiscale, plutôt portée habituellement par la gauche. Pas de retour prévu cependant pour l’ISF, dont Emmanuel Macron ne veut toujours pas, mais plutôt une taxation des superprofits de certaines grosses entreprises, et une éventuelle imposition supplémentaire des dividendes par un réexamen de la taxe forfaitaire. L’occasion pour le Premier ministre de démontrer les talents de négociateur qu’on lui attribue généralement.

PS : le diabloguiste et son invitée du dimanche prennent quelques jours de congé. Rendez-vous donc lundi 23 septembre pour la suite de ces chroniques.

Commentaires  

#2 Claude 12-09-2024 12:13
ben, non, et merci!
Citer
#1 Philippe 12-09-2024 11:35
Ah bah on s en fait pas ;) bonnes vacances
Citer