Cadeau d’adieu

La nouvelle n’a guère fait plus qu’un entrefilet dans la presse, noyée dans les commentaires concernant la désignation du nouveau Premier ministre après des semaines d’atermoiements et de tergiversations du président de la République, voire de palinodies ou de procrastinations, occasion rêvée d’enrichir son vocabulaire. Bref, en signant ce décret, qui sera l’un des derniers du désormais ancien chef du gouvernement démissionnaire, Gabriel Attal parait faire acte de générosité en rendant son habilitation à l’association Anticor, ce qui lui permettra de se porter partie civile dans les affaires de corruption, comme autrefois, avant que le tribunal administratif la lui enlève en 2023.

En réalité, la décision de Gabriel Attal, prise in extremis, ne doit rien à une quelconque mansuétude du pouvoir en place, mais bien à une procédure engagée par l’association pour récupérer son bien afin de lutter plus efficacement contre les pratiques douteuses de certains dès lors qu’ils disposent d’une parcelle de pouvoir. Depuis 2015, Anticor était impliqué dans plus de 160 affaires, ce que le président de la République critiquait comme un excès de zèle, notamment quand cela concernait un très proche, comme le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Köhler, qu’Emmanuel Macron avait défendu bec et ongles dans « complément d’enquête ». Depuis juin 2023, l’association demandait au gouvernement de lui rendre son habilitation, sans succès jusqu’à présent. Il aura fallu la saisine du tribunal administratif, et sa décision d’obliger le gouvernement à répondre dans les 24 heures, sous astreinte de 1 000 euros par jour, pour contraindre Gabriel Attal à prendre enfin cette décision, tout sauf spontanée.

D’aucuns se demandent quand même s’il ne faut pas considérer cette décision tardive comme un cadeau d’adieu de l’ancien Premier ministre, qui aurait pu considérer que cette habilitation ne faisait pas partie des affaires courantes et la laisser au futur Premier ministre, comme la plupart des dossiers qui restent en souffrance en attendant la formation du nouveau gouvernement. Ce serait alors comme une sorte de pied de nez revanchard de Gabriel Attal, qui n’a visiblement pas digéré la façon dont il a été tenu écarté des projets du président. Il n’a d’ailleurs pas fait mystère de sa déception d’être ainsi congédié sans ménagements, alors qu’il se voyait déjà en haut de l’affiche. Ce serait une façon de montrer qu’il faudra compter avec lui. Le plus important, c’est quand même que l’ONG, qui a été fondée en 2002 et qui revendique aujourd’hui plus de 7 000 adhérents, retrouve le droit de mener des actions en justice au nom des citoyens lésés par des pratiques condamnables, qui sans cela, ne pourraient probablement pas agir efficacement contre la corruption, ce fléau qui n’épargne aucun pays.