Le petit bout de la lorgnette

Un nouveau drame de la mer a endeuillé les côtes de la Manche avec le naufrage d’une embarcation de fortune surchargée qui tentait de rallier l’Angleterre. Si 51 personnes, des migrants en provenance de la corne de l’Afrique pour la plupart, ont pu être secourues, on déplore la mort de 12 personnes et le risque vital élevé de deux autres rescapés. Une première constatation s’impose : le ministre de l’Intérieur, pourtant démissionnaire, est tenu de traiter les affaires courantes, et cette épineuse question d’empêcher les passages clandestins vers l’Angleterre en fait partie. Gérald Darmanin n’a d’ailleurs pas eu le temps de chômer depuis qu’il a supposément cessé ses fonctions de plein exercice.

Le drame s’est déroulé en mer, à la hauteur de la commune de Wimereux, dont le maire, divers droite, a été élu en 2020, et qui était interviewé à ce sujet. Ses déclarations m’ont fait sursauter, tant il était    préoccupé principalement par la situation de ses administrés, et la sienne, par ricochet. Après avoir stigmatisé les passeurs, qualifiés d’assassins du fait des mauvaises conditions dans lesquelles ils proposent des traversées plus que périlleuses, il se plaint des difficultés qu’il rencontre pour s’occuper des migrants, qu’on ne peut pas laisser dehors par tous les temps. Il aimerait mieux qu’ils aillent à Calais par exemple, qui dispose d’un budget plus conséquent pour s’occuper d’eux. Finalement, il désigne les coupables de tous ces tracas auxquels il doit faire face : les associations, qui fournissent des tentes, y compris qui installeraient des campements à l’avance pour précéder l’arrivée des candidats à l’immigration. Pire encore, ces humanitaires leur donnent à manger, au lieu de les laisser crever de faim.

Déjà, en avril dernier, Jean-Luc Dubaële s’était ému du 2e naufrage de l’année au large de sa commune, qui avait entraîné 5 morts. Il avait évoqué la gêne causée par les migrants en ces termes : « tous les hivers, on les a vus, on a dû les accueillir en salle, on ne pouvait pas les laisser dans cette situation ». Naturellement, la situation dépasse largement le cadre de la gestion d’une petite commune de 6358 habitants, et le maire fait ce qu’il peut. À l’origine, il y a ce marché de dupes passé par Nicolas Sarkozy pour accepter de placer la frontière avec l’Angleterre sur notre côte, en principe aux frais des Anglais, mais qui coûterait 3 fois plus que la contribution anglaise, pour un résultat médiocre. 21 000 migrants sont passés en 2023. Les candidats à l’exil anglais refusent de rester en France, et sont prêts à prendre tous les risques, pour rejoindre un Eldorado largement imaginaire, ou plus prosaïquement des membres de leur famille. Et les accords récents avec le Rwanda ne semblent pas en mesure de changer la donne.